Dossier : Changements climatiques -

Dossier : Changements climatiques - L’urgence d’agir

Arctique. Vers le dégel…de l’indifférence !

Diego Creimer

Un phoque sur la glace, un chasseur et un activiste de Greenpeace qui se place, défiant, entre les deux pour éviter le carnage. Voilà l’image que beaucoup de gens gardent des campagnes de Greenpeace dans l’Arctique. Pourtant, aujourd’hui la situation est tout autre.

Au moment d’écrire ces lignes, quelques faits nous donnent un tableau bien différent de l’Arctique et de la présence de Greenpeace dans cette région du monde : Kuujjuaq enregistre les températures les plus élevées de son histoire récente ; la glace polaire qui fonctionne comme le climatiseur de la planète enregistre des étendues minimales et succombe sous la force des énormes vagues naguère peu fréquentes ; les compagnies pétrolières déploient tous les moyens de pression concevables pour assouplir les lois et les régle­mentations et se rendre le plus vite possible jusqu’aux gisements de pétrole qui se trouvent au fond de l’océan Arctique, risquant une marée noire avec des conséquences incalculables ; les chalutiers qui pillent les océans de la planète avancent de plus en plus vers le Nord, convoitant déjà les ressources halieutiques d’un des derniers recoins peu pollués de notre planète. Assez pour vous décourager ? Il y a pourtant de quoi être optimiste.

Mea culpa et main tendue

En juin dernier, Greenpeace Canada publiait une lettre historique dans laquelle l’organisation s’excusait des torts non intentionnés causés aux peuples autochtones de l’Arctique canadien lors de sa campagne contre la chasse aux phoques commerciale des années 1970 et 1980, soulignant du même souffle son respect inconditionnel des droits des peuples autochtones de l’Arctique à pratiquer une chasse traditionnelle de subsistance dans leurs territoires ancestraux. Cette lettre n’est pas passée inaperçue, ni dans le Nord, où Jerry Natanine, le maire de la petite communauté inuite de Clyde River, affirme avoir été ému en la lisant, car il avait haï Greenpeace toute sa vie et que le temps était maintenant venu d’enterrer la hache de guerre [1] ; ni dans le Sud, où les grands journaux n’ont pas manqué de souligner ce tournant inespéré dans les relations entre Greenpeace et les Inuits. En même temps, le site Internet de la campagne Arctique [2] de Greenpeace devenait accessible dans deux des langues originaires du nord du Canada : l’inuktitut et le gwich’in. Étant déjà convaincus que, dans la lutte pour protéger l’Arctique, nos meilleurs outils sont le dialogue et l’entente mutuelle, la traduction de l’information de Greenpeace sur l’Arctique en deux langues autochtones constituait une étape logique pour y parvenir.

Quelques semaines plus tard, au milieu d’une campagne mondiale lancée par Greenpeace contre le partenariat très questionnable de la compagnie de jouets Lego et la pétrolière Shell, la petite communauté de Clyde River, appuyée par des juristes très expérimentés et par Greenpeace, contestait in extremis devant une cour fédérale la légitimité des permis d’exploration pétrolière extracôtière octroyés par l’Office national de l’énergie dans les eaux de la baie de Baffin. Ceux qui croyaient, comme les compagnies pétrolières, que les Inuits resteraient indolents face aux menaces que les tests sismiques sous-marins posent pour l’environnement se sont carrément trompés. L’heure est plus que jamais à la résistance et à la mobilisation.

* * *

En conclusion, même si les données scientifiques sur l’Arctique ne cessent de dessiner un scénario catastrophique, il y a de quoi espérer pour celles et ceux qui se mobilisent pour le sauver. Plus vite que les autres, ils ont compris que l’inaction est aussi une forme de complicité, et qu’il faut agir.

Tôt ou tard, d’autres secteurs de la société suivront. Par bonheur, l’indifférence, elle aussi, est en plein dégel


[1Lisa Gregoire, « Nunavut Inuit hope to team up with Ecojustice to stop seismic testing », Nunatsiaq Online, 11 juillet 2014. URL : <http://www.nunatsiaqonline.ca>

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