Une éducation sexuelle pour les jeunes

Dossier : Sexe

Dossier : Sexe

Une éducation sexuelle pour les jeunes

Gabrielle

L’organisme communautaire Head & Hands/À deux mains existe depuis 1970 et offre une variété de services médicaux, sociaux et juridiques aux jeunes de moins de 25 ans avec une approche holistique, sans jugement et dans une perspective de réduction des risques. Parmi les programmes proposés, il y a notamment du soutien aux jeunes parents et des cliniques de santé sexuelle accessibles à tous et toutes, même sans carte de la RAMQ.

À bâbord !  : Bonjour Gabrielle, est-ce que tu peux nous parler du projet Sens ?

Gabrielle : Le projet est une réponse à la réforme qui a supprimé les cours d’éducation sexuelle obligatoires du programme scolaire. On a pris le relais et on donne des formations dans les écoles secondaires, les cégeps, les universités, les centres jeunesses, les organismes communautaires ; partout où il y a des jeunes de 12 à 25 ans. On a une dynamique d’apprentissage par les pairs, avec des animateurs·trices de moins de 25 ans. C’est sûr qu’il y a des personnes plus âgées qui ont aussi les compétences pour donner ce type de formation, mais c’est une extension de services, on donne une expérience d’animation à des jeunes et la proximité d’âge facilite le contact avec les classes.

Chaque année, je forme environ 15 bénévoles de moins de 25 ans qui assurent les formations dans les écoles. Je forme également des intervenant·e·s et des professeur·e·s. Nos bénévoles peuvent participer au programme plusieurs années de suite mais doivent suivre la formation chaque année. À ma connaissance, on est le seul organisme qui organise des formations d’éducation sexuelle par des jeunes de 25 ans et moins, avec notre approche holistique, anti-oppressive et de réduction des risques.

ÀB ! : Votre formation dure plus de 30 heures. Vous parlez de quoi pendant tout ce temps ?

G. : On bâtit un esprit d’équipe et on échange entre nous sur la sexualité dans toutes ses diversités. C’est un moment pour les animatrices et les animateurs de parfaire leur propre éducation sexuelle et de s’outiller à l’animation. Il est important de bâtir une confiance en leurs connaissances, de trouver des façons de formuler l’information pour qu’elle soit accessible et rejoigne le plus de réalités possible lors des ateliers. Nous voyons l’éducation par les pairs comme un partage de perspectives, d’expérience et de vécus. Nous appliquons cet échange sur trois niveaux : les animateurs·trices entre eux, entre les animateurs·trices et la classe, et au sein de la classe en tant que telle, car les jeunes sont encouragé·e·s à partager leurs perspectives et réflexions durant les ateliers.

L’approche de H&H est basée sur l’anti-oppression. C’est un beau mot, mais ça ne veut rien dire si tu ne sais pas comment faire. Le but est de représenter les réalités et les expériences du plus grand nombre, en excluant ou en invalidant le moins de vécus possible. Un exemple concret : quand je parle de la pose du condom interne (aussi appelé « condom féminin ») ou externe avant pénétration, on ne tient pas pour acquis qu’il s’agit d’une pénétration vaginale ; on évoque la pénétration vaginale ou anale, sur un même pied d’égalité.

ÀB ! : Le ministère de l’Éducation travaillerait à ramener l’éducation sexuelle à l’école, qu’en penses-tu ?

G. : À H&H, on est en faveur d’une éducation sexuelle accessible au plus grand nombre, donc si ça prend un plan gouvernemental, pourquoi pas. La seule chose qui nous alarme, c’est qu’on n’a jamais été consultés. En fait, on ne sait pas s’il y a eu des consultations avec les organismes qui travaillent sur le terrain. (Nous avons interpellé plusieurs personnes et organismes du milieu et aucun n’avait été contacté à ce sujet. NDLR)

ÀB ! : D’après toi, qui sont les personnes les mieux placées pour donner des cours d’éducation sexuelle ?

G. : Des gens qui sont bien formés, qui sont à l’aise de donner ce genre de cours et qui le font pour soutenir le développement et le bien-être des gens à qui ils et elles parlent. Notre seul intérêt, c’est que les jeunes puissent avoir la sexualité qu’ils/elles ont envie d’avoir et de les outiller pour qu’ils/elles puissent prendre les décisions les plus éclairées possible. La seule règle ferme qu’on a au projet Sens, c’est la notion de consentement : tant que celui-ci est présent et actif, tout type de sexualité est encouragé.

ÀB ! : Les discours sociaux alarmistes sur la sexualité des jeunes, tu en penses quoi ?

G. : Il y en a toujours eu, c’est juste que maintenant ils sont plus visibles, on en parle plus. Et ce qui est choquant change. Aujourd’hui, la question principale semble être l’accès à tout un tas de discours et d’informations sur la sexualité, sans pour autant avoir plus de soutien et d’outils pour comprendre cette information. C’est choquant de voir un·e jeune entendre parler de consentement pour la première fois à 17 ans seulement. Il faut développer une culture du consentement dès le plus jeune âge. La culture du viol est hautement problématique. Il faut qu’on parle plus de choix, de respect, d’écoute personnelle parce qu’il est important de savoir ce qu’on aime, ce qu’on a envie de faire ou pas, pour négocier ensuite avec un, une ou des partenaires. Mais on ne fait pas ça, on nous bombarde juste d’images de sexualité, sans savoir comment en parler. On manque de mots et on manque d’espaces pour parler de sexualité de façon libre et décomplexée.

ÀB !  : Un dernier mot pour conclure ?

G. : Il y a beaucoup de tabous et de gêne dans nos vies au sujet de la sexualité, et un manque de communication vraie. Alors pourquoi ne pas donner des outils aux plus jeunes pour apprendre à parler des choses telles qu’elles sont. On communique beaucoup, mais on ne sait toujours pas s’asseoir face à face et régler ce qui doit être réglé. C’est une chose importante à travailler dans la sexualité : la communication.

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