Le cheval au service de la ville

No 60 - été 2015

Olivier Linot et Daniel Simon

Le cheval au service de la ville

Mathilde Capone

Le cheval au service de la ville, Olivier Linot et Daniel Simon, Montréal, Écosociété, 2014, 100 p.

Trouville-sur-Mer, repère des bourgeois-bohèmes parisiens qui y installent depuis maintenant plusieurs dizaines années leur résidence secondaire. En 2000, cette municipalité de Normandie se procure, d’abord par souci d’économie, un cheval pour la collecte sélective des déchets. Petit à petit se révèle la dimension écologique, économique et sociale de l’hippomobilité qui s’étend alors à d’autres services comme le transport scolaire et la tonte des espaces verts. Olivier Linot, directeur général des services de Trouville, dont l’entrevue à ce sujet façonne l’ensemble de cet ouvrage, souligne le rôle mobilisateur et facilitateur de l’équidé : générateur de convivialité (entre les citoyen·ne·s et les agent·e·s municipaux), de motivation (professionnelle) et de contacts positifs et éducatifs, il incarne ici un nouveau modèle de développement urbain. Un lieu d’expérimentations qui se veut le point de départ d’une expérience inspirante pour d’autres municipalités.

Mais attention. Pas question de reculer. L’expérience doit rester moderne ! On parle de design urbain et futuriste et de fabrication industrielle du matériel équin – s’il était artisanal au début de l’expérience, il devra vite être remplacé par des innovations technologiques qui doivent s’intégrer dans le paysage urbain (eh oui, ici, on lutte même contre l’archaïsme !). On intéresse d’ailleurs à cette innovation le monde de l’automobile, les grands groupes industriels et financiers pour qu’ils l’investissent d’images et de notoriété et on profite des voitures hippomobiles pour scotcher des publicités. On parle de plus-value émotionnelle générée par l’équidé fonctionnaire au service de la loi. L’homme-cocher conduit la calèche et les mères accourent donner du pain au cheval pour faire plaisir à leurs enfants. Si le cheval revient dans la ville, il s’adaptera aux besoins de la modernité, il contribuera au maintien du niveau de vie des villes, il sera au centre du développement durable et de la consommation responsable, de l’efficacité, bref, du progrès et de l’évolution.

Le néolibéralisme entend se survivre en faisant sienne l’idéologie du développement durable. Nous laissant croire à une rupture historique, il ne s’agit que de sa charpente. En intégrant de nouvelles préoccupations écologiques, il camoufle la violence des systèmes et de l’idéologie du développement comme le pillage des ressources et les diverses atrocités générées afin de maintenir l’économie et le niveau de vie des pays du Nord.

Dommage également que l’ouvrage ne se penche pas sur d’autres manières d’entrer en relation avec les équidés. Le cheval n’a pas de grands projets communs avec l’être humain. Depuis la conquête, la relation est fabriquée dans le but de nous servir. L’éthologie équine propose à ce titre une démarche transversale pour favoriser la compréhension, la connexion et la complicité en étudiant les chevaux dans leur milieu naturel, dans leurs relations entre eux, avec d’autres espèces et avec l’être humain. Cette science du comportement fournit des outils et des clés pour déconstruire l’historicité de notre relation au cheval, afin par exemple de participer à une large lutte contre l’industrie pétrolière en repensant cette relation au-delà des villes bourgeoises, au sein d’une densité de circulations et de solidarités.

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