Manuel de l’anti-tourisme

No 76 - oct. / nov. 2018

Rodolphe Christin

Manuel de l’anti-tourisme

Simon Lindsay

Rodolphe Christin, Manuel de l’anti-tourisme, Montréal, Ecosociété, 2017, 144 pages.

Sept ans après la parution initiale de l’essai, Rodolphe Christin nous revient avec une version « revue et augmentée » de son Manuel de l’anti-tourisme. Au grand dam de l’auteur, certaines des tendances lourdes décrites et décriées dans l’ouvrage de 2010 ne se sont pas atténuées.

Bien au contraire : si les touristes proviennent toujours majoritairement des pays occidentaux et des classes les plus privilégiées, ils pourraient représenter 1,8 milliard d’arrivées d’ici 2030. En fait, les prévisions de l’Organisation mondiale du tourisme, que l’auteur qualifie d’optimistes dans sa nouvelle préface, apparaissent de plus en plus conservatrices. L’industrie touristique produit maintenant près de 10 % des émissions de gaz à effet de serre. Rien ne semble pouvoir alléger le « triple poids » du tourisme, soit son poids économique, son poids écologique et son poids culturel. Pas même les tourismes « responsables », « humanitaires » et autres « écotourismes ».

En dressant l’histoire parallèle des congés payés et du « devoir de vacances », l’auteur présente le tourisme comme parfait outil de maintien de l’ordre social, comme « repos du guerrier-travailleur  ». Car c’est pour se reposer, mais aussi pour fuir la monotonie de son quotidien que le travailleur devient touriste lorsqu’il est en vacances. C’est précisément dans le contexte du travail salarié que cette migration temporaire a du sens. Et c’est ainsi que Christin propose de voir le tourisme comme « une manière de gérer les ressources humaines et de mettre en production les territoires  ».

L’ouvrage de Christin est plus qu’une recension des impacts de l’industrie, notamment écologiques (surdéveloppement et surmenage des destinations touristiques, contribution aux émissions de GES, etc.) ou culturels (occidentalisation du monde, folklorisation des pratiques et rites traditionnels au profit de simulations commercialisables). Le tourisme, plaide-t-il, tue le voyage. L’« offre structurée », à savoir les itinéraires planifiés, l’uniformisation des services de l’industrie, la standardisation des destinations d’accueil, rend impossible de vagabonder vraiment à sa guise.

Sa problématique s’élargissant à la critique du tourisme à la fois comme outil et symptôme d’un système économique ultra-inégalitaire, il ne s’aventure pas à montrer une issue définitive. Lui-même touriste de son propre aveu, il propose néanmoins des pistes de réflexion pour un loisir plus durable, pour «  voyager en profondeur », mais pour un mouvement collectif pour mettre fin à la «  touristification du monde ». On lira à profit « Le tourisme enfermé », en annexe, dont le texte original est paru dans un autre ouvrage de Christin dans lequel il approfondit davantage le tourisme comme outil de management social.

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