Oléoduc Trans Mountain. La lutte se poursuit

No 76 - oct. / nov. 2018

Environnement

Oléoduc Trans Mountain. La lutte se poursuit

Xavier P.-Laberge

Depuis l’annonce de l’achat par le gouvernement Trudeau du projet Trans Mountain le 29 mai dernier, la colère gronde. Le gouvernement de coalition constitué du Parti vert et du Nouveau parti démocratique de la Colombie-Britannique s’oppose au projet d’agrandissement du pipeline tandis que le travail acharné de militant·e·s de partout au Canada met tout en œuvre pour empêcher le projet.

Dans ce combat, plusieurs manifestant·e·s ont été arrêté·e·s, dont la chef du Parti vert du Canada, Elizabeth May, et le député fédéral néo-démocrate Kennedy Stewart. Les opposant·e·s à l’expansion du pipeline s’inquiètent du risque d’accidents maritimes des navires pétroliers, dont le nombre passera de 60 à environ 400 par année, et qui devront manœuvrer dans des passages étroits entre le terminal et l’océan.

Les chefs des communautés autochtones interviewés par Radio-Canada sont très divisés quant au projet [1]. Si certaines communautés désirent investir dans Trans Mountain, d’autres sont prêtes à le bloquer, ce qui a fait dire à Stewart Phillip, président de l’Union des chefs autochtones de la Colombie-Britannique, que « le projet n’a pas le consentement requis, et nous ne baisserons pas les bras, peu importe qui achète ce pipeline  ». Will George, membre de la nation Tsleil-Waututh, a ajouté que « c’est tout à fait inacceptable de dépenser 4,5 milliards de l’argent des contribuables quand il n’y a même pas assez d’eau potable pour les Autochtones au Canada. Juste la souffrance et les sables bitumineux en Alberta... [Justin Trudeau] devrait avoir honte  ».

Al Gore, lui-même, a critiqué l’annonce du gouvernement fédéral d’acheter le pipeline en dénonçant les subventions aux énergies fossiles qui sont en moyenne 38 fois plus subventionnées que les énergies renouvelables à travers le monde. Les groupes environnementaux ont unanimement dénoncé cet achat. Plusieurs chercheur·e·s universitaires ont, de plus, soulevé l’absurdité de soutenir financièrement un projet voué à l’échec et à une probable non-rentabilité puisqu’il a été abandonné par Kinder Morgan et le privé en général. Pour les dirigeant·e·s et les actionnaires de Kinder Morgan, le projet semble dorénavant trop toxique et risqué.

Des rebondissements

D’autres nouvelles sont encore plus décourageantes. Les récents documents dévoilés par Kinder Morgan ont montré que le coût de l’expansion du pipeline pourrait être de 1,9 milliard supérieur à ce qui était prévu. Par conséquent, en plus des 4,5 milliards pour l’achat du pipeline original, la facture finale coûterait 9,3 milliards au trésor public. Aussi, les travaux pourraient s’étendre jusqu’en décembre 2021, soit un an de plus que la date précédemment présentée.

L’Office national de l’énergie (ONE) a, de son côté, approuvé 72 % du projet. Les travaux préliminaires ont donc commencé en Alberta et les premiers tuyaux seront installés dès 2019. À Burnaby en Colombie-Britannique, les travaux ont cours depuis septembre 2017 afin d’y aménager un terminal. La Cour suprême du Canada a d’ailleurs rejeté l’appel de la ville de Burnaby quant à l’approbation de l’ONE. Il semble n’y avoir aucune considération pour l’avis des municipalités au Canada, de même que pour celui des provinces lorsqu’il s’agit d’autoriser un projet « dans l’intérêt national ». Où est la défense de l’environnement et la lutte aux changements climatiques dans cet « intérêt national » ?

Heureusement, le 30 août dernier, une décision de la Cour d’appel fédérale a annulé le décret gouvernemental permettant au projet d’expansion du pipeline d’aller de l’avant. Le tribunal a statué que le gouvernement libéral n’avait pas adéquatement consulté les Premières Nations. Cependant, il ne faut pas croire que tout est gagné pour autant. Le dogmatisme pétrolier de ce gouvernement semble sans borne et celui-ci désire, malgré tout, poursuivre le développement du projet qui est désormais le sien. Il revient maintenant aux citoyen·ne·s de défendre l’avenir de la planète. Nous devons montrer à Trudeau qu’il a plus à craindre des militant·e·s écologistes que des lobbys pétroliers. Les élections fédérales de 2019 seront aussi un bon moment pour faire regretter aux libéraux l’incohérence de leur discours environnemental.


[1« Trans Mountain : opinions partagées chez les Autochtones », Radio-Canada, 29 mai 2018. Disponible en ligne.

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