Négociation collective du SEMB-SAQ : guerre d’usure

No 76 - oct. / nov. 2018

Chronique Travail

Négociation collective du SEMB-SAQ : guerre d’usure

Léa Fontaine

Après l’application d’une convention collective vieille de 7 ans, un véritable non-sens dans les relations de travail, le Syndicat des employé·e·s de magasins et de bureaux de la Société des alcools du Québec (SEMB-SAQ) est à la table de négociation depuis plus de 20 mois. Au fil des décennies, les négociations ont très souvent été ponctuées par des conflits de travail qui montrent le manque de flexibilité de l’employeur et la ténacité des salarié·e·s.

Les gains au cours des toutes premières négociations collectives ont été salariaux. Ainsi, après la signature de la première convention collective en 1965, le gain salarial est substantiel, mais il faut garder en tête que jusqu’à cette date, les travailleuses et travailleurs vivaient sous le seuil de la pauvreté. Lors du Front commun de 1971, c’est un décret gouvernemental qui a fixé le montant des salaires avec indexation. En 1974, les travailleuses et travailleurs ont obtenu une augmentation salariale de 55 % sur trois ans. On remarque toutefois, au fil des ans, que les augmentations ont été moins importantes.

On entend souvent : « Oui, mais les employés de la SAQ sont très bien payés ! » Effectivement, les employé·e·s sont rémunéré·e·s en respect du salaire minimum – enfin ! – mais le taux horaire peut atteindre, par exemple, 19,76 $ par heure de travail pour un poste de conseiller vendeur en 2009, cette rémunération ayant atteint 24,81 $, sept ans plus tard en 2016.

Certes, le taux salarial horaire est intéressant, mais lorsque les contrats offrant peu d’heures de travail deviennent la norme, ils ne permettent pas de dépasser le seuil de pauvreté. Qui plus est, les avantages conventionnés changent d’une catégorie d’emploi à une autre, qu’il s’agisse de gains ou de pertes.

Les postes réguliers

En matière d’emploi, la SAQ s’est souvent opposée, avec dogmatisme, à la création de postes « réguliers », leur préférant des postes temporaires ou à temps partiel. Au cours des décennies, l’employeur négociait durement pour créer le moins possible de postes « réguliers » et concentrait son énergie sur la création de nombreux postes précaires dans la mesure où ils ne garantissaient qu’un tout petit nombre d’heures pour les travailleuses et travailleurs.

C’est en 1986 que la négociation obtient la création de 100 postes réguliers. Elle obtiendra 50 postes en 1988 et ce nombre oscillera selon les rondes de négociations jusqu’à aujourd’hui. Parmi ces postes réguliers figurent évidemment des contrats à temps partiel. Les salarié·e·s du SEMB-SAQ sont souvent maintenus dans une situation de précarité. Si le nombre de postes semble à première vue considérable, il l’est moins lorsque l’on sait que la SAQ que, des 5 500 membres que compte le SEMB-SAQ, 60 % travaillent à temps partiel.

Les autres conditions de travail

Au-delà du salaire et de la nature des postes de travail, des gains ont été obtenus au fil des rondes. Parmi ceux-ci, notons une sécurité des emplois (toute relative soit dit en passant) et la reconnaissance d’ancienneté dès 1965. Des avancées sont aussi obtenues en matière de vacances, de régimes de retraite, d’assurance-salaire (1971), de la semaine de travail de cinq jours (1974 et 1979), de l’ancienneté pour les employé·e·s temporaires, de l’augmentation de la contribution de la SAQ au régime d’assurance (1986), de la transformation de trois jours fériés en congés personnels (1988), d’un plancher d’emploi par transactions (1991 et 1997), de la reconnaissance syndicale, de la gestion par divisions et de l’instauration des groupes de travail consultatif (2004), du service continu, de l’équité salariale à l’interne et d’une banque de temps supplémentaire accumulé payable en tout temps (2009 et 2017).

Méthodes de négociation

Jusque dans les années 1980, la négociation « traditionnelle » était privilégiée et était axée sur la confrontation. Grâce à celle-ci, les syndicats ont obtenu un partage des gains de productivité en raison de la croissance économique. Avec l’augmentation de la concurrence liée à la mondialisation économique, la fragilisation des emplois industriels et l’évolution technologique, les relations de travail ont connu de très gros changements depuis les années 1990. Depuis lors, les entreprises se sont senties légitimes de revendiquer plus de flexibilité et de réduire le coût des conventions collectives. Les syndicats, de leur côté, ont dû modifier leur manière de faire et leurs stratégies de négociation, en vue de trouver des compromis organisationnels afin de protéger le mieux possible les conditions de travail de leurs membres, et ce, dans un contexte où le rapport de force employeur/salarié·e·s n’est pas à leur avantage.

La négociation collective raisonnée, par opposition à la négociation traditionnelle, peut se résumer par l’utilisation des méthodes de résolution des problèmes dans les relations patronales/syndicales. Cette négociation tient compte des intérêts de chaque partie, au sujet d’un problème particulier sur lequel les parties ont décidé de négocier. Ce même travail aura lieu pour chacun des problèmes soulevés. Il faut absolument que les parties « jouent le jeu », à défaut de quoi, la négociation peut tourner à l’affrontement.

Les travailleuses et travailleurs représentés par le SEMB-SAQ sont en ce moment en train de négocier et tout ne se passe pas de la meilleure des façons. La SAQ affirme que l’ensemble des propositions doit respecter le cadre du mandat octroyé par le Conseil du trésor. Elle ajoute que les demandes monétaires du syndicat excèdent ce cadre. Les travailleuses et travailleurs ont déjà fait grève pendant plusieurs jours.

À l’heure de mettre sous presse, les syndiqué·e·s ont d’ailleurs voté à 96% en faveur d’un mandat de grève de 18 jours. 

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