Cannabis. Après la légalisation, on fait quoi ?

No 76 - oct. / nov. 2018

Société

Cannabis. Après la légalisation, on fait quoi ?

Julie-Soleil Meeson, Jessica Turmel

Le 17 octobre dernier, après plus de 100 ans de prohibition de l’usage du cannabis, le gouvernement libéral du Canada a légalisé sa consommation et sa possession pour les Canadiens et Canadiennes de 18 ans et plus.

Le nouveau cadre légal a pour ambition de restreindre l’accès aux jeunes, de protéger la santé et la sécurité des personnes, d’éliminer le trafic de cannabis et d’alléger le fardeau du système de justice pénale en imposant notamment des amendes au lieu d’un dossier criminel.

La criminalisation ne s’avérant pas une solution satisfaisante, il fallait plutôt favoriser une approche pragmatique et humaniste. Dans cette optique, la légalisation du cannabis favorisera une transmission transparente d’informations sur cette substance pour prévenir plus efficacement les types de consommation problématiques.

Nous mettrons ici l’accent sur deux éléments essentiels dans la façon de transmettre l’information afin que notre message remplisse ces conditions, c’est-à-dire pour qu’il soit sans jugement, cohérent et crédible pour toutes les personnes auprès desquelles nous intervenons.

Pour une information objective

Le premier élément dont il importe de tenir compte est de bien cibler la population qui consomme. Si nous visons à la protéger et à nous assurer qu’elle prend des décisions éclairées, nous devons connaître de manière précise la population à risque à laquelle s’adresse une intervention donnée. Par exemple, les jeunes canadien·ne·s de 15 à 19 ans ont une prévalence d’usage de cannabis de 21 % et les jeunes de 20 à 24 ans en ont une de 30 %. Faire abstraction de cette réalité de la consommation pourrait s’avérer contre-productif. Au Québec, les modèles gouvernementaux de communication apparaissent souvent incohérents face à la réalité et ne rejoignent pas ces jeunes. Des slogans tels que « tu peux avoir du fun sans en prendre, comme moi !  » ne répondent pas à leur besoin de savoir et de comprendre ni à leur capacité de prendre des décisions et ils stigmatisent ceux et celles qui consomment. La légalisation du cannabis ne viendra pas changer cette situation pour les jeunes de moins de 18 ans.

Le deuxième aspect à considérer concerne les sources de notre information. Le modèle prohibitionniste nous a fourni une surabondance d’informations exagérées ou carrément erronées. Si bien que la peur teinte une grande part des interventions des politicien·ne·s dans l’adoption des lois sur les substances psychoactives. Pour donner un exemple concret, citons les paroles de la sous-ministre Charlebois qui a dit lors d’une intervention : « Vous savez, où je demeure, en campagne, si mon voisin en fait pousser et que mes petits- enfants dont la plus vieille de six ans, va de l’autre côté et, par inadvertance, s’enfarge là-dedans, puis en consomme un petit peu en mangeant…  ». Or, dans les faits, manger la feuille séchée ne provoque pas d’effet psychoactif. En sachant ceci, notre gouvernement n’aurait pas fait une loi basée sur de fausses croyances en interdisant, dans la version adoptée, la culture de cannabis à domicile.

En considérant ces éléments, nous accueillons favorablement l’octroi, dans le cadre de la nouvelle législation sur le cannabis au Québec, d’un fond de prévention et de recherche de 25 millions de dollars réparti sur les cinq prochaines années. Depuis plus de 20 ans, les organismes communautaires ont développé des expertises reconnues pour rejoindre les personnes qui décident de consommer des substances, dont le cannabis. En tant que professionnelles, nos préoccupations majeures concernent la reconnaissance de ces organismes et de leurs efforts investis dans la prévention.

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