Corruption et politique

No 35 - été 2010

Éditorial du no. 35

Corruption et politique

Combattre le cynisme par l’engagement

Le Collectif de la revue À bâbord !

C’est devenu un lieu commun que de constater, de concert avec les experts politiques des grands médias, qu’un certain cynisme s’est installé dans la population à l’endroit de la classe politique. À chaque nouveau scandale de corruption, nous trouvons un Michel C. Auger ou un Jean Lapierre pour venir nous servir le même discours : les Québécois et les Québécoises ne font plus confiance à leurs éluEs. Cette simple phrase, récitée comme un mantra, expliquerait à elle seule l’humeur de l’électorat.

Toutefois, lorsque l’on pense au scandale des commandites, à ceux plus récents impliquant les méthodes de financement du PLQ, au scandale des compteurs d’eau à la Ville de Montréal ou encore aux pratiques parlementaires franchement antidémocratiques utilisées par Stephen Harper, un constat s’impose : d’un palier de gouvernement à l’autre, on retrouve la même odeur nauséabonde de corruption, de copinage et d’abdication face au bien commun, et ce, au grand profit des intérêts privés et partisans. La corruption, de phénomène marginal ou exceptionnel, semble devenir le cœur et l’âme de notre système politique.

Cette déchéance de notre classe politique prend une allure de routine, de mode opératoire normal auquel se prêtent la plupart des élues censés représenter la population, le tout sous couvert d’un modèle qui institue la corruption en système managérial de bonne gouvernance. Qu’il s’agisse de la Fondation Chagnon ou de BMO groupe financier qui dictent la politique éducative et sociale à suivre à la ministre Courchesne ; de la firme de génie-conseil BPR qui définit les « besoins » en compteurs d’eau tout en s’auto-attribuant de généreux contrats pour exécuter les travaux ; des Fonds d’intervention économique régionaux (FIER) soumis à la « bonne gouvernance » de ceux-là mêmes qui en bénéficient ; enfin de la cooptation de l’ancien ministre Couillard par Persistence Capital Partners ou encore de l’appel systématique et idéologiquement orienté à des PPP, dans tous ces cas, on laisse au privé le soin de définir les normes qui encadreront l’action publique de même que le loisir d’exécuter de manière « désintéressée » la réalisation de ces actions.

Une question s’impose alors : quelles sont les causes du cynisme ambiant tant décrié par les Michel C. Auger de ce monde ? Sont-elles liées aux manifestations de corruption révélées au compte goutte par les médias ou plutôt à l’incapacité de notre démocratie à mettre en œuvre la volonté populaire ? Poser la question c’est, bien sûr, y répondre...

Au vu des plus récents plans gouvernementaux de sortie de crise, est-il encore pertinent de placer un espoir quelconque dans la réforme de notre système politique ? Avec le détournement des finances publiques pour assurer le sauvetage des banques et des grandes entreprises phares du capitalisme nord-américain (au moment même où les populations victimes de la crise demandaient un minimum de soutien et que les services publics étaient une fois de plus invités à se laisser détruire), il faut bien reconnaître que le bien commun ne pèse plus pour beaucoup dans la balance des politiques.

Et, comme s’il nous fallait d’autres preuves, la crise grecque est venue nous rappeler que rien n’avait changé. Face à une crise spéculative induite par la « corruption » et les bienheureux conseils de Goldman Sachs !, les élues grecs ont choisi de se conformer aux impératifs des élites politiques et économiques de la zone euro plutôt que de répondre aux exigences de solidarité formulées par les mouvements populaires du pays.

Dépérissement du politique ?

En ce qui nous concerne, le dévoilement des liens antidémocratiques unissant dans un même ensemble d’intérêts les élites politiques et l’overclass économique mondiale ne sert pas à alimenter ou à conforter une forme de cynisme, mais à poser les jalons de mobilisations populaires et de transformations sociales à venir. Depuis maintenant plus d’une décennie, une nouvelle gauche s’est mise en marche, tant au Québec qu’ailleurs dans le monde. Ici, pour construire nos résistances, nous pouvons déjà compter sur une série de mobilisations réussies. Pensons simplement à la marche mondiale des femmes, aux manifestations contre la tenue du sommet des Amériques, aux réponses syndicales et sociales contre les projets de réingénierie de l’État, à l’opposition massive contre l’invasion de l’Irak, à la grève étudiante de 2005, etc.

Ces mouvements, loin d’écarteler ou de diviser la résistance, sont le terreau dans lequel s’enracinent les luttes actuelles. À la suite du dépôt du dernier budget du Québec, nous avons pu constater que, face aux dérives répétées de nos politicienNEs, le cynisme est loin d’être l’unique réponse possible. Face à la dépravation des gouvernements, nous, à la revue À Bâbord !, comme d’autres ailleurs, répondons par la mobilisation et l’engagement. Que ce soit dans les rues de Toronto lors du sommet du G-20 ou en réunion pour préparer les activités militantes de l’automne, nous vous souhaitons un bel été, loin du cynisme et de la résignation.

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