No 72 - déc. 2017 / janv. 2018

Figures marquantes

D’Idola à Valérie

Du droit de vote à l’élection

Léa Fontaine

Idola St-Jean était une grande défenderesse des droits des femmes dans le Québec, des années 20. Peu connue, c’est pourtant en grande partie grâce à elle que, nous, les femmes, avons obtenu les droits de vote et d’éligibilité. Mais il a fallu attendre les années 40, au Québec… Le 5 novembre 2017, à Montréal, une femme a été élue à la tête de la mairie. Valérie Plante, la première mairesse, en 375 ans d’Histoire de Montréal !

« Le mouvement féministe est un courant mondial que personne, qu’aucune force ne pourra arrêter. » Idola St-Jean

Idola

Idola St-Jean (1880-1945) se fait connaître dans le monde du spectacle notamment à Montréal et Québec, après avoir suivi une formation de comédienne et d’oratrice. À Paris, elle a également suivi des cours, sous la direction de l’homme de théâtre Constant Coquelin. À son retour à Montréal, les choses sérieuses reprenant le dessus, elle enseigne le français, à l’Université McGill. Elle travaille aussi auprès de délinquants dans les années 10’. Suite à une épidémie de la grippe espagnole (1918), elle posera un geste fort en adoptant une enfant, sans être mariée, qui plus est, une enfant à la peau noire, dont les parents sont décédés de cette maladie. Affirmer que ceci n’était pas du tout dans l’air du temps est un euphémisme.

Idola l’oubliée

Idola St-Jean est passée quasiment inaperçue alors qu’elle frayait avec Marie Gérin-Lajoie et Thérèse Casgrain, ainsi qu’avec la moins connue Marie-Claire Kirkland, pour la défense des droits des femmes. Ce quatuor milita – avec force et conviction – pour le droit de vote des femmes. Au milieu du 19ème siècle, seuls les hommes accèdent à la pleine citoyenneté, les lois en excluent explicitement les femmes.

Idola multiplie les engagements dans les milieux soutenant le vote des femmes aux élections politiques. Lors de son enseignement à McGill, elle rencontre Carrie Derick, alors présidente du Montreal Suffrage Association. Elle est également militante au sein de la Fédération nationale de la Société Saint-Jean-Baptiste, dédiée à la défense des droits des femmes, et est secrétaire du Comité provincial pour le suffrage féminin, sous la direction de Marie Gérin-Lajoie et Anna Marks Lyman, par ailleurs, présidente du Montreal Women’s Club. Ce dernier regroupement organise un événement afin de convaincre les députés québécois d’appuyer le premier projet de loi visant à accorder le droit de vote aux femmes au Québec : Depuis 1918, toutes les citoyennes d’au moins 21 ans peuvent voter lors des élections fédérales, mais il en va tout autrement au Québec. Environ 500 femmes vont à l’Assemblée nationale à Québec pour rencontrer le premier ministre Taschereau ainsi que les députés. Ce déplacement, dirigé par Idola, Marie Gérin-Lajoie, Thérèse Casgrain (francophones), Carrie Derick, Julia Drummond et Grace Ritchie-England (anglophones). Taschereau ne donne pas suite à cette démarche en affirmant clairement que son gouvernement ne leur accordera jamais un tel droit.

Idola ne s’arrête pas en chemin et poursuit sa quête, par l’entremise du Comité provincial pour le suffrage, qui disparaît pour donner lieu à d’un côté, l’Alliance canadienne pour le vote des femmes du Québec, créée par elle-même, et de l’autre, la Ligue des droits de la femme, sous la houle de Thérèse Casgrain. Ces deux organisations exercent des pressions sur le législateur pour l’obtention du droit de vote féminin. Elles sont soutenues par l’Association catholique des institutrices rurales – menée par Laure Gaudreault, syndicaliste dans le milieu enseignant – ainsi que par les syndicats internationaux.

En 1930, Idola fut la première québécoise à se présenter à une élection fédérale. C’est en 1940 que le gouvernement Godbout accorde le droit de vote et d’éligibilité aux femmes, dans la province québécoise. Grâce à son talent inné d’oratrice et sa capacité de fédérer, Idola Saint-Jean donne le coup d’envoi à la mobilisation des femmes pour la défense de leurs droits.

Sans Idola… il n’y aurait pas eu Valérie…

Si Valérie Plante est à la tête de la ville de Montréal, elle le doit, historiquement, à Idola. Puis, elle le doit surtout à elle-même. Originaire d’Abitibi, elle quitte sa région natale pour étudier l’anglais, puis l’anthropologie, la muséologie et l’intervention multiethnique. Pendant ses études et après celles-ci, elle s’engage auprès de divers groupes communautaires. Elle dirige la Fondation Filles d’Action, soutenant les jeunes filles et femmes, peu importe leur situation ou leur projet (ex. lieu de paroles dédié à l’expression de toute sorte de problèmes tels que le harcèlement, la discrimination, etc., développement de la compétence de cheffe ou meneuse [leadership]). Soulignons que cette fondation soutient plus de 300 groupes provenant de diverses communautés canadiennes.

Valérie n’est pas une politicienne sortie d’une boîte de cracker jack. Elle est, en effet, entrée en politique en 2013, sous la bannière Projet Montréal, alors dirigé par Richard Bergeron. Elle surprend tout le monde en détrônant Louise Harel, dans le district de Sainte-Marie (arrondissement Ville Marie). Quatre ans plus tard, Valérie vient de gagner sa place de mairesse de Montréal, après 375 ans d’existence de la ville et l’arrivée de Jeanne Mance. Les Montréalaises et Montréalais ont choisi de faire confiance à une femme, ou peut-être plus justement, à la femme qu’est Valérie Plante. Une personne qui est loin de pratiquer la langue de bois.

La vague Projet Montréal a également permis à d’autres femmes d’entrer en politique. C’est le cas, par exemple, de Rosannie Filato ou encore de Giuliana Fumagalli. La première est avocate en droit du travail et membre de l’Association des juristes progressistes. Elle milite au quotidien pour l’amélioration des conditions de travail et de vie des Québécoises et des Québécois. Quant à Giuliana Fumagalli, elle est la nouvelle mairesse de Villeray-St-Michel-Parc-Extension. C’est une ouvrière de Postes Canada qui travaillait au tri postal, syndicaliste et de tous les combats. Lors de son entrée en fonction, elle a trouvé un local vide au sein de la mairie, son bureau de mairesse était vide, pas un meuble, la salle des archives l’était tout autant : ni classeur, ni papier. Aucune histoire de l’arrondissement… La première chose qu’elle a fait : rencontrer les cols bleus de l’arrondissement, demeurés bien surpris par cette rencontre inhabituelle entre une mairesse et les employé-e-s. Une nouvelle ère politique s’ouvre aux femmes québécoises.

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