Dossier : Maternité et médecine.

Dossier : Maternité et médecine. Silence, on accouche !

Avec une sage-femme, s’il vous plaît !

Catherine Gerbelli, Céline Lemay

Renforcer l’accès aux services de sage-femme et aux maisons de naissance ainsi que réduire les interventions obstétricales sont des objectifs essentiels à atteindre afin de faire évoluer les pratiques entourant la naissance. Cela permettra de reconnaître la diversité des expériences et des besoins des femmes.

La Politique de périnatalité (2008-2018) – Un projet porteur de vie du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) arrivera à terme dans les mois qui viennent. C’est l’occasion de se pencher sur deux de ses objectifs : l’accès aux services de sage-femme et aux maisons de naissance ainsi que la diminution des interventions obstétricales. Ces deux éléments interrogent notre volonté et notre capacité, en tant que société, à sortir du statu quo et à intégrer les changements nécessaires au développement de pratiques obstétricales qui, d’une part, soutiennent les processus physiologiques qui entourent la grossesse, l’accouchement et la période postnatale et, d’autre part, reconnaissent la diversité des expériences et des besoins des femmes et des familles.

Le modèle de pratique des sages-femmes au Québec se fonde sur des valeurs partagées et des principes directeurs qui guident la pratique professionnelle. Ces principes sont les suivants :

  • la confiance dans la compétence et l’autonomie des femmes ;
  • le respect et la confiance dans le processus physiologique de la grossesse, de l’accouchement et de l’allaitement ;
  • la continuité des soins ;
  • une relation personnelle et égalitaire.

Les sages-femmes offrent des suivis de maternité complets, c’est-à-dire le suivi de la grossesse, de l’accouchement et de la période postnatale jusqu’à six semaines pour la mère et son nouveau-né. Les femmes, les personnes non binaires et les hommes trans suivi·e·s par les sages-femmes ont le choix du lieu de naissance de leur enfant. Elles accouchent à domicile (15%), en maison de naissance (80%) ou à l’hôpital (5%). Les services de sage-femme sont disponibles 24h/24, 7j/7 pour les personnes et les familles qui sont suivies. On compte entre quatre (Mont-Joli) et dix sages-femmes (Montréal) dans une équipe. Ces services sont couverts par l’assurance maladie du Québec et offerts, le plus souvent, à partir des maisons de naissance (voir l’article de Roxanne Lorrain sur le développement des maisons de naissances, p. 51).

Parallèlement, un autre objectif de la politique de périnatalité du MSSS vise à diminuer le nombre d’interventions obstétricales. Ce sont des interventions considérées comme évitables et imposées inutilement à des personnes en santé qui présentent une grossesse normale. On parle ici de la surveillance fœtale électronique continue (le monitoring), du déclenchement et de l’accélération du travail, de l’épidurale et de la césarienne. Pour évaluer la pertinence et la faisabilité de cet objectif, le MSSS a fait appel à l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS)

En 2012, l’INESSS a remis son rapport dans lequel il « [...] constate que l’accouchement physiologique pour les femmes à faible risque obstétrical semble souhaitable ». Le rapport suggère aussi une concertation organisée par le MSSS de tous les acteurs concernés : groupes de femmes, organisations professionnelles, universités « [...] afin d’élaborer un plan d’action pour la réduction des interventions obstétricales évitables au Québec dans une perspective de décision éclairée et partagée avec les femmes ». Dans cette citation, l’INESSS fait référence à deux choses qui nous apparaissent assez différentes. D’une part, l’accouchement normal-physiologique et d’autre part la diminution des interventions obstétricales. Un accouchement normal-physiologique est beaucoup plus qu’un accouchement au cours duquel aucune intervention obstétricale n’a lieu. Un accouchement normal-physiologique est un accouchement qui consiste à procurer à une personne qui accouche tout ce dont elle pense avoir besoin pour mettre au monde son enfant. Cela requiert le plus souvent, en particulier pour les femmes qui accouchent d’un premier enfant, une bonne préparation qui se déroulera durant la grossesse. Diminuer les interventions obstétricales évitables et nuisibles est important et nécessaire, mais cela s’inscrit encore dans une vision hospitalo-centrée et médico-centrée de prise en charge de la femme et du nouveau-né.

Il nous semble ici utile de rappeler qu’au Québec, les femmes ont largement contribué à définir et développer une pratique professionnelle qui réponde à leurs valeurs et à leurs besoins : être suivie de manière constante, avoir moins d’interventions, pouvoir donner son consentement et avoir des choix quant au lieu pour donner naissance à son enfant. C’est pour répondre à ces besoins légitimes et après avoir étudié et confirmé la sécurité de la pratique des sages-femmes que le gouvernement a décidé de la légaliser en 1999. Les sages-femmes ont orienté leur pratique professionnelle dans une optique de santé, de confiance et de soutien à la physiologie, à la capacité des femmes à porter et mettre au monde leur enfant. C’est leur expertise et leur expérience.

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