Dossier : Maternité et médecine. Silence, on accouche !
Le non-respect du libre arbitre des femmes en situation de handicap
Les violences obstétricales et la mainmise sur le corps des femmes s’inscrivent dans un modèle patriarcal et se conjuguent d’une manière toute particulière avec le capacitisme.
La société considère la grossesse et la naissance comme naturelles et allant de soi. En même temps, elle impose aux femmes un modèle médical contraignant et même violent. Une réalité est toutefois occultée : celle des femmes en situation de handicap. Ces femmes sont restreintes dans leurs options et contraintes à accoucher en milieu hospitalier ou, devrait-on dire, à se faire accoucher, soi-disant pour la sécurité du nouveau-né.
Capacitisme et violences obstétricales
Le capacitisme désigne l’ensemble des attitudes sociétales qui dévalorisent et limitent le potentiel des personnes handicapées. La personne en situation de handicap est considérée comme étant moins digne d’égard, de respect et moins apte à contribuer à la société. Le capacitisme se lie au sexisme en réduisant les femmes en situation de handicap au statut de personnes dépendantes des autres et asexuées. De plus, il amène à considérer leur maternité comme dérangeante tout autant que leur sexualité.
Dès lors, le capacitisme s’exprime en obstétrique par une vision étroite de la notion de corps féminin et de compétences parentales : les préconceptions de la femme handicapée asexuée et incapable de prendre soin d’elle et des autres vont à l’encontre de l’idée prédominante de capacité parentale et de capacité d’enfantement. Le corps médical pose des questions qui frôlent l’indécence et qu’on n’oserait jamais poser aux autres mères. Ces questionnements font douter ces femmes de leur capacité d’enfanter et les confinent à une panoplie d’interventions durant leur grossesse et leur accouchement pour restreindre des risques que les professionnel·le·s de la santé (médecins, infirmières, etc.) est pourtant incapable de nommer. Nous pouvons même douter qu’ils sachent eux-mêmes les motifs de leurs interventions et penser qu’ils agissent seulement par peur de l’inconnu.
Lorsque les femmes en situation de handicap refusent ce climat interventionniste durant l’accouchement, le sourire bienveillant des médecins et infirmières s’efface et laisse place à une implacable froideur. Le personnel soignant revient à la charge maintes fois sur la nécessité « vitale » de procéder immédiatement aux interventions prescrites, jusqu’à ce que ces femmes acquiescent durant leur travail, par fatigue. Une cascade d’interventions s’en suit, jusqu’à la césarienne. Or, avec le recul, on peut se questionner sur le déroulement de la grossesse et de l’accouchement et se demander si c’est le handicap ou cette série d’interventions qui mènent à une impasse du travail.
Discours de peur
Les femmes en situation de handicap ont été habituées toutes jeunes aux interventions médicales invasives. Leur intégrité corporelle a été maintes fois compromise. Les recherches démontrent que ces pratiques vécues à répétition les rendent plus à risque de subir des violences, dont les violences obstétricales. Ajoutons à cela le fait que ces femmes sont loin d’être encouragées à avoir des enfants et que la grossesse et l’accouchement sont des évènements extrêmement émotifs. Comment acquérir un regard critique sur l’obstétrique et établir un consentement éclairé dans un tel contexte ? Leur consentement est-il même demandé ?
Il est temps que les choses changent. Au Québec, 4,8% des ménages sont composés d’au moins un parent avec une incapacité, principalement motrice (58% des cas). Pourtant, la Convention relative aux droits de la personne handicapée des Nations unies rapporte l’absence d’avancées en matière de lutte à la discrimination à l’égard des personnes handicapées pour tout ce qui a trait au mariage, à la famille, à la fonction parentale et aux relations personnelles. La même convention rapporte un nombre effarant de violences dans la vie des femmes en situation de handicap. Quand ces femmes pourront-elles disposer librement de leur corps et de leur capacité d’enfanter, en toute légitimité et en toute humanité ?