Dossier : Maternité et médecine.

Dossier : Maternité et médecine. Silence, on accouche !

Maisons de naissance. Une initiative citoyenne riche de ses pratiques

Roxanne Lorrain

L’accès aux services des sages-femmes dans les maisons de naissance demeure un enjeu politique et social au Québec.

Les maisons de naissance sont issues d’une longue lutte citoyenne et permettent l’accessibilité aux services des sages-femmes. Aujourd’hui encore, la mobilisation reste d’actualité puisqu’il est fondamental de conserver ce modèle en cohérence avec les besoins des femmes, tout en favorisant l’accès universel à des alternatives pour les soins périnataux.

L’accès aux services sages-femmes

La pratique des sages-femmes a toujours existé au Québec, bien que celle-ci ait pratiquement disparu du paysage au tournant des années 1960. Les femmes, dans leur grande majorité, accouchent en milieu hospitalier. Dès les années 1970, le mouvement féministe revendique une humanisation des naissances et remet en question la (sur)médicalisation de l’enfantement. Les femmes témoignent de leurs insatisfactions et souhaitent vivement avoir accès à des alternatives. Deux revendications majeures de ce mouvement sont la légalisation de la pratique sage-femme ainsi que l’accouchement hors du milieu hospitalier. La mobilisation des femmes et de leurs allié·e·s s’avère être l’un des éléments centraux et significatifs qui ont contribué à la légalisation de la pratique en 1999.

L’accès aux sages-femmes permet aux femmes d’être accompagnées globalement, suivant un nouveau paradigme. La personne qui accouche reprend son pouvoir de décision et d’action, tout en ayant des alternatives pour le lieu de naissance : le domicile et la maison de naissance. L’accès aux services des sages-femmes permet aussi de rééquilibrer les savoirs en jeu. L’autonomie de la personne qui accouche et l’égalité entre elle et la sage-femme étant au cœur de cette relation, les savoirs et l’expérience de cette personne sont reconnus.

Les maisons de naissance et les mobilisations

La légalisation de la pratique des sages-femmes s’est réalisée grâce à la mise en place de projets pilotes permettant d’évaluer la pratique et d’accommoder l’opposition médicale omniprésente face au retour légal des sages-femmes. Les maisons de naissance se sont ainsi développées et sont devenues un lieu de pratique pour les suivis, les accouchements et la formation. La vocation communautaire de la maison de naissance est fondamentale puisque sa mise sur pied est portée par des parents souhaitant en faire un espace de participation. Le fait de côtoyer d’autres parents vivant des réalités ou des défis similaires et de partager une expérience fondatrice permet à ceux-ci et celles-ci de se réapproprier l’enfantement.

La politique périnatale 2008-2018 du gouvernement du Québec avait pour objectif qu’au moins 10% des accouchements soient accompagnés par des sages-femmes. Actuellement, les avancées sont minces. Seulement 4% des femmes accèdent à ce service, faute de place suffisante ou de service inaccessible dans certaines régions. Quelques nouvelles maisons de naissance ont bien été aménagées ou construites dans les dernières années, mais plusieurs groupes militent toujours pour l’accès à ces services.

En 2015, le gouvernement du Québec a proposé un cadre de référence pour le déploiement des services de sage-femme au Québec afin de soutenir les efforts pour l’implantation de la pratique. Cependant, certains enjeux politiques et sociaux, comme les différentes réformes de la santé des dernières années, limitent un développement harmonieux de la pratique et rendent difficile la cohérence du modèle. La mobilisation des groupes citoyens fait donc toujours partie du paysage politique du mouvement pour l’humanisation de la naissance. Aujourd’hui, ce sont plus de 30 groupes qui s’organisent dans toutes les régions du Québec.

La pratique des sages-femmes s’est construite autour de la relation égalitaire entre la sage-femme et la femme. Ce lien doit être honoré, de manière à ce que la femme conserve le contrôle sur les décisions et les actes durant la grossesse et l’enfantement. Il est fondamental que la pratique se développe en conservant son lien étroit avec les besoins des femmes. Cette lutte pour l’accès à des soins périnataux alternatifs ne peut se faire que dans la mobilisation concertée et engagée de ces deux acteurs centraux.

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