Dossier : Transition écologique. Le

Agroécologie 101

Caroline Halde

Lorsqu’on pense à la transition écologique, les domaines des transports et de l’énergie sont souvent aux premiers rangs des considérations citoyennes. Cependant, le domaine de l’alimentation (par conséquent l’agriculture) vous amène à faire des choix de consommation 3 fois par jour, 365 jours par année.

La simple question du choix de fruits pour vos céréales matinales (bleuets du Lac-Saint-Jean cultivés de façon conventionnelle ou des bananes certifiées équitables produites en Équateur) est remarquablement pleine de conséquences écologiques. Omniprésentes dans votre quotidien, ces décisions concernant le contenu de votre assiette occupent un rôle important dans le processus de transition écologique de nos sociétés. Effectivement, l’agriculture a un impact direct sur la gestion de notre territoire et la qualité de notre environnement (sols, eau, air). Peut-être plus important encore, le mode de production agricole pratiqué aujourd’hui a un impact direct sur notre capacité future à produire des aliments sains et en quantité suffisante. Plus que jamais, les 293 000 agricultrices et agriculteurs canadiens (soit moins de 1 % de la population canadienne) ont un pouvoir capital sur la souveraineté alimentaire de l’autre 99 % non agricole de la population. L’intégration de l’agroécologie à l’échelle de la ferme est une voie possible pour aider le domaine agricole à entamer la transition écologique.

L’agroécologie et les entreprises agricoles actuelles
L’agroécologie est définie à la fois comme étant un mouvement social paysan, une discipline scientifique et un ensemble de pratiques agricoles écologiques. Les opinions divergent en ce qui a trait à l’intégration de l’agroécologie et de la transition écologique dans le contexte agricole actuel. Peut-on espérer des fermes appartenant au modèle agricole industriel actuel qu’elles modifient petit à petit leurs pratiques agricoles ? Dans ce cas, ne serait-il pas souhaitable d’offrir un accompagnement à ces fermes pour les voir cheminer le plus rapidement possible vers une transition écologique ? Ou au contraire, doit-on attendre que le modèle agricole industriel échoue pour voir émerger un nouvel ensemble de fermes agroécologiques ?


Plusieurs chercheurs en agroécologie, comme Stephen Gliessman, Stuart Hill et Rob Mac Rae, privilégient la première option. Toute entreprise agricole a le potentiel de devenir agroécologique. Pour ce faire, ces chercheurs considèrent que les entreprises agricoles doivent suivre une série d’étapes appelées niveaux de transition agroécologique. Le modèle ESR (Efficience-Substitution-Reconception) est le cadre d’analyse le plus fréquemment utilisé pour définir et situer les différents niveaux de transition agroécologique. En voici les grandes lignes

Niveau 1 : viser l’efficience
Deux façons efficaces d’améliorer l’efficience des flux de matière (ex. : intrants agricoles) et d’énergie (ex. : carburant pour tracteur) à l’échelle de la ferme sont l’optimisation des processus d’utilisation de la matière et de l’énergie et la limitation des déchets et des pertes d’énergie. Par exemple, adapter son équipement de pulvérisation de pesticides pour limiter les dérives de pesticides est un bon moyen d’améliorer l’efficience. Cela représente une première étape franchie vers la transition écologique, même si l’utilisation de pesticides reste une pratique utilisée à la ferme à ce niveau.

Niveau 2 : substituer les anciennes pratiques agricoles
L’étape de la substitution se caractérise par le remplacement de pratiques et intrants conventionnels par des pratiques ou intrants alternatifs dits écologiques. Par exemple, pour limiter les dommages causés par les insectes aux tomates de serre, les pesticides couramment utilisés peuvent être substitués par des insectes prédateurs (lutte biologique). L’agriculture biologique est souvent caractérisée comme étant un mode de production appartenant à ce niveau. On peut par exemple substituer des engrais minéraux de synthèse par des fumiers ou lisiers autorisés en production biologique, ou des insecticides par des filets anti-insectes dans la production de concombres en champs biologiques.

Niveau 3 : reconceptualiser l’agroécosystème, rien de moins !
Pour plusieurs fervents de l’agroécologie, les deux premiers niveaux de la transition agroécologique décrits ci-haut ne sont que des étapes mineures dans l’atteinte de l’objectif ultime : l’étape de la reconception de l’agroécosystème. Ce niveau, plus complexe, demande aux producteurs·trices agricoles de retourner à la table à dessin et de réorganiser et/ou réinventer les différentes composantes de leur ferme : cultures, élevage, ressources humaines, mise en marché, protection de l’environnement, etc. Cette reconceptualisation peut se faire entre autres par une diversification des cultures, l’implantation de haies brise-vent favorisant la biodiversité ou par l’envoi des animaux aux pâturages. Cependant, cette réingénierie du système agricole à l’échelle de la ferme, du bassin versant ou de la région est complexe, intensive en ressources et coûteuse. Elle reste l’étape la plus ardue, mais aussi la plus significative de la transition agroécologique.

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