La longue marche des éléphants

No 71 - oct. / nov. 2017

Troubs et Nicolas Dumontheuil

La longue marche des éléphants

Valentin Tardi

Troubs et Nicolas Dumontheuil, La longue marche des éléphants, Futuropolis, 2017, 88 p.

Cette BD, en deux parties distinctes et autant d’auteurs, entreprend de détailler et d’approfondir le cas d’une espèce animale en voie d’extinction. L’éléphant, en l’occurrence, frappe l’imaginaire autant par sa corpulence et son physique évoquant la préhistoire que par les difficultés supplémentaires que posent sa domestication, voire son exploitation abusive. Sébastien Duffilot, directeur du Centre de conservation de l’éléphant, signe la préface de l’ouvrage et présente les deux auteurs en n’omettant pas de spécifier que Benjamin Flao avait été l’auteur pressenti pour réaliser l’ouvrage. Étant indisponible, il a été remplacé par Dumontheuil et Troubs qui dépassent toutes les attentes. Le premier a pris part à la dernière caravane destinée à conscientiser et interagir avec la population sur un parcours de 500 kilomètres dans le « royaume au million d’éléphants ». Il y a un siècle, on en comptait 40 000…

Actuellement, il n’en reste que 400 sauvages et 400 domestiqués. La déforestation et le braconnage déciment la première population. Quant à la seconde, l’industrie forestière et le tourisme, de manières différentes, multiplient les pressions qui accroissent encore le déclin des pachydermes. Dumontheuil, en poète et voyageur autocritique qu’il est, parvient à faire ressortir des obstacles de taille à la conservation d’un animal pourtant adulé par les Laotiens en étant un reporter soucieux de détails révélateurs dans le déroulement de la caravane. L’autre BD, celle signée Troubs (Sables noirs : 20 semaines au Turkménistan chez Futuropolis entre autres), évoque le champ d’action du Centre de conservation de l’éléphant. Elle présente l’éléphant dans toute sa complexité et sa singulière acceptation de domination par l’être humain. Le cornac, un métier traditionnel également en péril, plus qu’un dompteur d’éléphants, doit créer un lien privilégié avec l’animal et pourvoir à ses besoins. À cet égard, l’auteur questionne pertinemment l’acceptation tacite de cette domination également répandue chez l’humain !

Le dessin hypersensible de Troubs instaure, à l’instar du corpus de questionnements qu’il soumet à notre intelligence et à notre cœur, un dialogue essentiel à une compréhension fine des enjeux. Celui du sort d’une espèce qui a longtemps contribuée à la survie de l’espèce humaine et qui, notamment en termes de biodiversité se retrouve à dépendre de l’humain pour survivre. En somme, il y a une interdépendance sine qua non à préserver pour la suite des uns comme des autres. En Afrique, par exemple, l’éléphant transforme carrément la savane en prairie. Ultimement, ce livre va jusqu’à soutenir, en étayant le sujet, qu’au-delà la préservation d’une espèce, c’est de notre survie même qu’il retourne.

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