Wonder Woman, une superproduction féministe ?

No 71 - oct. / nov. 2017

Culture

Wonder Woman, une superproduction féministe ?

David Sanschagrin

Wonder Woman (2017) semble appartenir à une nouvelle catégorie : la superproduction hollywoodienne féministe. C’est du moins ce que disent les nombreuses critiques dithyrambiques de ce film.

Certes, le film donne le rôle principal à un personnage féminin fort, la princesse Diana, élevée parmi les Amazones. Ces dernières, sous le commandement de Zeus, attendent dans leur île tropicale le retour d’Arès, dieu de la guerre, pour l’empêcher de détruire la civilisation humaine. L’arrivée dans l’île d’un espion anglais, Steve Trevor (joué par le bellâtre Chris Pine), poursuivit par des soldats allemands, bouleverse cet Éden. Une fois l’envahisseur éliminé, Diana épouse la cause de l’agent double, dont elle s’éprend. Pour elle, empêcher les Allemands de développer une arme chimique (le but de Trevor) recoupe la mission des Amazones, détruire Arès.

Pour rappel, la bédéiste Alison Bechdel a établi un test en 1985 déterminant si un film représentait les femmes de manière équitable en posant trois critères : au moins deux femmes y jouent ; elles parlent entre elles ; d’autres choses que des hommes.

Wonder Woman met en scène plusieurs femmes, notamment l’actrice israélienne Gal Gadot dans le rôle de Diana. Seulement, elles sont au service d’un dieu patriarcal, Zeus, pour empêcher le retour de son frère, Arès. Si elles parlent entre elles d’autres choses que des hommes, Zeus et Arès sont inévitablement au cœur de leurs conversations. La réussite du test de Bechdel n’est alors que partielle. Mais il y a plus à dire sur le sujet…

Il y a d’abord le fait central que les Amazones n’agissent pas selon leur propre logique, car elles sont subordonnées à celle de Zeus. Leur organisation politique martiale est au service de Zeus dans un jeu de pouvoir divin.

Ensuite, fallait-il garder une armure qui expose certaines parties vitales, notamment la gorge et le cœur ? La mise en scène du personnage principal, Diana avec jeux de lumière mièvre, cherche à mettre en avant sa féminité, avec des poses suggestives, plutôt que sa force martiale, ce qui rappelle davantage le passé de mannequin de Gadot, plutôt que celui d’instructrice de combat qu’elle a été pour l’armée israélienne.

Puis, on s’étonne que l’héroïne ne puisse résister au pouvoir de séduction de l’espion anglais et s’amourache si vite du premier homme qu’elle rencontre. Vivant dans une société de femmes, n’aurait-elle pas été plus logiquement lesbienne ou asexuelle ? D’ailleurs, au moment crucial du film, lorsque Diana affronte Arès, c’est la tristesse éprouvée à la suite de la mort de son amant qui lui permet d’atteindre ses pleins pouvoirs et de vaincre ce dernier. Il fallait donc que le principe masculin se manifeste pour que la femme accède à sa pleine existence, rappelant l’esprit du conte de fée, comme La Belle au bois dormant.

Enfin, tout au long de leurs aventures, Trevor rappelle constamment à l’ordre une Diana qui cherche à protéger la veuve et l’orphelin au péril de leur mission. Diana est présentée comme étant obnubilée par le « care » et agissant d’une façon émotive et dénuée de considérations stratégiques, qui sont le propre de Trevor.

Ainsi, la présence d’une femme dans un rôle principal d’une superproduction ne suffirait pas à dire d’un film qu’il est féministe, tout comme une seule femme sur un conseil d’administration ne suffit pas à en changer la culture androcentrique. L’univers de superhéros reste machiste, il révèle davantage la psyché mâle et ses fantasmes de domination, Wonder Woman ne semble pas faire exception à cela. On regardera ce film pour se divertir et rire, mais on n’y cherchera pas un instrument au service de l’avancement de l’égalité homme-femme.

Thèmes de recherche Cinéma, Arts et culture, Féminisme
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