La première Révolution tranquille

No 75 - été 2018

Céline Saint-Pierre

La première Révolution tranquille

Yvan Perrier

Céline Saint-Pierre, La première Révolution tranquille. Syndicalisme catholique et unions internationales dans le Québec de l’entre-deux-guerres, Montréal, Del Busso Éditeur, 217, 234 pages.

Dans ce livre, Saint-Pierre se lance à la recherche d’éléments susceptibles de confirmer l’intuition hypothétique de Fernand Dumont au sujet de la dynamique du changement social qui a conduit à la Révolution tranquille au Québec durant les années soixante. L’hypothèse de Dumont se lit comme suit : « Si l’on cherche le premier moment historique d’un décrochage, non plus de procès dispersés mais d’un changement proprement collectif, c’est dans les années 30 qu’il peut se trouver. »

Pour en démontrer le bien-fondé, Saint-Pierre dresse un portrait des principaux changements qui se mettent en place au Québec entre 1930 et 1936 principalement. Sa démonstration se déploie sur sept chapitres dans lesquels elle analyse les points suivants : la conjoncture économique ; la scène idéologique ; les forces politiques en présence ; les organisations syndicales ; la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) ; le Congrès des métiers du travail du Canada (CMTC) et la législation ouvrière.

Au terme de sa démonstration, l’auteure se pose la question suivante : « La décennie des années 1930 a-t-elle été celle d’une première révolution tranquille qui se serait déroulée dans la sphère des idéologies, comme le propose Fernand Dumont ? Les idéologies qui ont imprégné les organisations syndicales et l’environnement global le laissent croire. Quelques nuances s’imposent cependant, qui soulèvent de nouvelles questions. » Bref, elle donne raison, en partie seulement, à Dumont.

Le livre de Céline Saint-Pierre est incontestablement un complément indispensable à l’ouvrage de Dumont, Montminy et Hamelin portant sur les Idéologies au Canada français 1930-1939. Saint-Pierre fait ici une présentation solidement documentée du discours idéologique des principaux porte-parole et intellectuels qui ont œuvré au sein des organisations syndicales que sont la CTCC et le CMTC. Il s’agit, selon nous, d’un ouvrage incontournable.

Tout au long de la lecture du livre, je me suis demandé ce à quoi pouvait bien correspondre pour l’auteure l’expression « l’entre-deux-guerres ». S’il est une période qui semble faire consensus chez les historien·ne·s c’est bien cette période qui va du 11 novembre 1918 jusqu’au 1er septembre 1939. Or, dans l’analyse de son objet d’étude, Saint-Pierre sort de ce cadre chronologique (tantôt en amont et tantôt en aval) et focalise trop sur les années qui se situent entre 1930 et 1936. Pourtant, il y a des événements importants qui se produisent après 1936 et qui ont eu un impact majeur pour la suite des choses. Ici nous pensons à la création, en 1937, de la Fédération provinciale des travailleurs du Québec (la FPTQ), dont il est à peine fait mention – cette organisation syndicale mettra de l’avant un programme social-démocrate – et le congrès du Parti libéral du Québec de 1938 qui, lui, adopte diverses mesures progressistes qui seront appliquées, en partie, entre 1939 et 1944 et lors de la Révolution tranquille.

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