Les pots cassés : une histoire de l’assurance-chômage

No 88 - été 2021

Pierre Céré

Les pots cassés : une histoire de l’assurance-chômage

Isabelle Bouchard

Pierre Céré, Les pots cassés : une histoire de l’assurance-chômage, Somme toute, 2020, 128 pages.

Que serait le programme social d’assurance-chômage, n’eut été des luttes qu’ont menées et que mènent encore les syndicats et les groupes de défense des droits des personnes chômeuses ? Probablement encore plus inhumain qu’il ne l’est aujourd’hui. À tel point que le programme renommé « assurance-emploi » en 1996 ne mérite rien de moins que d’être complètement rebâti aux yeux de Pierre Céré, coordonnateur du comité Chômage de Montréal depuis 1997 et porte-parole du Conseil national des chômeurs et chômeuses.

Qui de mieux placé que ce défenseur des droits socio-économiques et politiques pour présenter l’historique du programme qu’il teintera, à notre grand profit, de son histoire personnelle, de ses souvenirs et de ses expériences. La chronologie présentée débute avant la première mouture du programme et s’étend jusqu’à aujourd’hui. On est ici devant un véritable travail anthropologique qui consiste à documenter certains récits de vie, troublants plus souvent qu’autrement, qui illustrent les effets structurellement discriminants du programme.

C’est avec stupéfaction, par exemple, qu’on apprend qu’en 1936, un peu partout au Canada, existaient des camps de travail pour chômeurs célibataires, abolis à la suite de grèves internes notamment. Il faudra attendre 1940 pour que soit votée la première loi d’assurance-chômage au Canada, laquelle couvrait uniquement 42% des personnes salariées canadiennes. On apprécie réellement se faire raconter dans les détails l’organisation et la tenue de la grande marche pour l’emploi du 28 mai 1983, coorganisée par les centrales syndicales et les mouvements sociaux.

Si les années 1980 nous semblent avoir été tranquilles, Pierre Céré est là pour nous rappeler la lutte victorieuse de 1987 afin que les prestations de retraites ne soient plus déductibles des prestations de chômage. C’était avant ce que l’auteur qualifie « des années dévastatrices » qu’ont été les années 1990 sous le règne conservateur. Céré ne passe pas sous silence le début des années 2000, marqué par des divisions internes entre groupes de défense des droits des sans-emplois, notamment quant « au débat entre deux approches : l’aide individuelle et l’action collective ».

Notons finalement avec quelle générosité l’auteur trace le portrait de véritables héroïnes de la lutte à l’amélioration des conditions d’application de l’assurance-emploi que sont France Turcotte, Sylvie Caya et Sylvie Terrien.

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