Dossier : Saguenay - Lac-St-Jean.

Dossier : Saguenay - Lac-St-Jean. Chroniques d’un royaume

Rendez-vous au café philo

Steeve Simard

Environ 50. C’est le nombre de cafés philo que j’ai à mon actif. J’en organise depuis que j’ai commencé à enseigner. À raison de trois soirées philosophiques par semestre.

J’ai décidé d’organiser cette activité pour faire vivre aux étudiant·e·s et aux membres de la communauté almatoise une expérience de discussion en groupe de nature intellectuelle sur un sujet pouvant parfois être en lien avec l’actualité. Certains thèmes peuvent à l’occasion être propres à la politique régionale. Par exemple, une discussion avait été organisée lors du lock-out de l’Alcan en 2012 ; nous avions alors eu plus de soixante participant·e·s. En moyenne, une douzaine de personnes prennent part aux rencontres.

Personnellement, j’ai toujours aimé ce genre de discussion depuis mes débuts au cégep, comme étudiant, et c’est donc un peu par nostalgie que je fais vivre ces moments ludiques à ceux et celles qui souhaitent se prêter au jeu. Bref, le café philo est un espace public ouvert à toutes et à tous pour échanger de vive voix sur des sujets philosophiques.

La soirée commence avec une brève introduction sur le sujet et je laisse ensuite la parole à l’assemblée. Le mode de fonctionnement est simple : les participant·e·s qui ont déjà pris place autour d’une grande table à leur arrivée prennent un premier tour de parole après l’introduction du sujet. Chaque personne se présente et donne brièvement, une minute par personne, leurs impressions sur la question qui sera débattue. L’objectif de ce tour de table rapide est de mettre à l’aise les participant·e·s avec la prise de parole et le sujet.

Il ne faut pas oublier que les étudiant·e·s qui participent ont en moyenne 17 ou 18 ans. Pour certain·e·s, il s’agit de leur toute première expérience de discussion philosophique en groupe. Souvent, ces jeunes ont une certaine gêne à exposer leur point de vue devant des personnes qu’ils ne connaissent pas. Avec ce tour de table, ils prennent rapidement conscience de l’écoute, de l’effort et du sérieux que nécessite la réflexion de groupe.

Cela dit, même si au premier abord on remarque tout le côté organisé et sérieux de l’exercice philosophique, on trouve toujours le moyen de rigoler ensemble. D’ailleurs, Timy, le propriétaire du restaurant Apollo où se tiennent les cafés philo, assiste à toutes les représentations. Il offre généreusement de la pizza aux participant·e·s, et il s’assoie parmi nous et contemple le plaisir qui découle des échanges. Après le tour de table, la discussion s’anime tel un feu où tout le monde y met son étincelle. Je prends les tours de parole, j’interroge quelques fois, mais j’interviens peu. L’objectif est de laisser le plus d’autonomie au groupe.

Que ce soit sur des enjeux existentiels ou collectifs, peu importe le niveau d’études ou de connaissance, tout le monde trouve quelque chose à dire pour enrichir la discussion, ce qui valorise la confiance personnelle et démystifie les conversations de nature intellectuelle. J’ai eu l’occasion, ces dernières années, d’organiser des cafés philo avec de jeunes décrocheurs en recherche d’emploi et ils ont constaté avec stupéfaction qu’ils philosophaient entre eux beaucoup plus qu’ils ne le croyaient ! Il m’apparaît important de sortir la discussion intellectuelle des murs des institutions et de la rendre accessible au plus grand nombre de citoyen·ne·s afin de démocratiser la réflexion et de valoriser la connaissance. Non pas uniquement pour un bien politique – quoique j’y reconnais certaines vertus –, mais surtout pour le simple plaisir d’échanger en dehors d’un cadre scolaire sur des sujets de nature philosophique.

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