Le pragmatisme radical d’un « matérialiste historique »

No 70 - été 2017

Entretien avec Gabriel Nadeau-Dubois – Deuxième partie

Le pragmatisme radical d’un « matérialiste historique »

Propos recueillis par Ricardo Peñafiel et Marc-Olivier Vallée. Photos : Gérald McKenzie

Ricardo Peñafiel, Marc-Olivier Vallée

Quelques jours après le congrès de Québec solidaire et l’élection de Gabriel Nadeau-Dubois comme député de Gouin, À bâbord ! rencontrait le nouveau co-porte-parole de QS pour l’interroger sur une série d’enjeux entourant l’avenir du parti.

Dans cette seconde partie de l’entretien, le nouveau représentant de QS à l’Assemblée nationale détaille une stratégie pour faire des percées dans les différentes régions du Québec et souligne l’importance pour le parti de gauche de formuler des propositions économiques concrètes pour le développement régional. L’ancien leader étudiant se prononce également sur des questions d’éducation, de politique municipale et de communication politique.

Pour (re)lire la première partie, cliquez ici.



À bâbord ! : C’est un secret de Polichinelle : Québec solidaire devra faire des gains dans les « régions » pour rompre avec son image de parti montréalais. Le dossier de notre numéro actuellement en kiosques porte justement sur le Saguenay–Lac-Saint-Jean. Dans un des textes, Émilie Nolet-Rousseau se penche sur les défis de QS au Saguenay. Parmi ceux-ci, elle indique que le parti doit casser cette idée, fondée ou non, que Québec solidaire est contre tout projet économique – quel qu’il soit – en région, malgré le fait que ces projets soient perçus comme créateurs d’emplois auprès d’une partie de la population locale. Quelle est la stratégie de Québec solidaire pour combattre cette idée et faire des gains hors de Montréal ?

Gabriel Nadeau-Dubois : Oui, ça c’est un immense défi… Il y a la question des régions en général et la question spécifique de l’économie. Je vais répondre aux deux questions, parce que ce sont des choses auxquelles j’ai beaucoup réfléchi et qui m’intéressent énormément.

Sur la question générale des régions, il y a trois choses qu’il faut faire selon moi. Il faut que le parti investisse plus de ressources, il faut clarifier notre discours sur certains enjeux et il faut des candidatures fortes. Bref, trois axes : ressources, discours et enjeux. C’est ce que j’ai répété tout au long de la campagne au poste de co-porte-parole.

Les ressources, ça veut dire prendre des risques. Investir, envoyer des gens, embaucher des personnes pour faire de l’organisation et de la mobilisation politiques sur une base régulière. Québec solidaire a, d’un point de vue organisationnel, investi énormément dans son propre développement depuis dix ans, dans ses instances, dans son processus programmatique, notamment – et c’est très bien. Maintenant, une partie de ces ressources doit s’en aller sur le terrain. Il va falloir des choix, notamment en ce qui concerne les circonscriptions où on veut mettre toute la gomme pour aller chercher des député·e·s, et on va faire ces choix démocratiquement.

Ensuite, il y a la question du discours, qui est liée à celle des candidatures. Il faut convaincre des gens qui sont connus dans leur région de se présenter pour Québec solidaire. Mais des gens « connus dans leur région », ça ne veut pas dire des vedettes de téléréalité nationale ! Ça peut être des personnes qui ne sont connues que dans leur région, mais qui, parce qu’elles se sont lancées en affaires, qu’elles ont été élues à d’autres paliers ou qu’elles ont réalisé des projets, ont acquis une crédibilité locale et une connaissance de leur milieu. Il faut que ce type de personnes se présente pour Québec solidaire en disant « leur projet de société, c’est le mien ».

Le rôle de député est souvent plus important dans les régions que dans les zones urbaines, où souvent on change de comté quatre fois, dix fois dans notre vie… En région, les gens s’identifient beaucoup plus à leur député·e et à leur circonscription. Ça devient d’autant plus important d’avoir des candidat·e·s qui sont reconnus dans leur milieu.

Finalement, il y a la question des enjeux, qui va m’emmener à la question de l’économie, parce qu’en effet, parmi les enjeux dont il faut parler davantage – et mieux – pour percer en région, il y a celui de l’économie. Il faut casser l’idée selon laquelle Québec solidaire serait systématiquement contre les projets de développement économique, notamment dans les ressources naturelles. Parce qu’il y a des régions au Québec qui ont des taux de chômage à 20 % actuellement. Comment pourrait-on leur dire qu’il ne faut pas faire de mines ou qu’il faut moins de mines ? Le statu quo n’est pas, non plus, possible pour ces personnes. Il faut qu’on soit capable de dire comment on va non seulement conserver les emplois, mais en créer !

La réflexion sur ces questions existe déjà à Québec solidaire. Le parti a fait une tournée économique des régions en 2015 et elle a porté ses fruits. Elle a donné lieu à des propositions, mais il faut aller plus loin et continuer ce travail. D’ailleurs, je suis très fier de la proposition que Manon [Massé] et moi avons présentée concernant le bois d’œuvre, même si elle a malheureusement été très peu couverte dans l’espace public. Cette proposition est un exemple concret des propositions économiques réalistes et pragmatiques (mais qui sortent des sentiers battus) que Québec solidaire compte mettre en avant.

Notre proposition en matière de bois d’œuvre est très intéressante pour une région comme le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Mauricie ou l’Abitibi. L’idée est de cibler le vrai problème, et le problème du secteur du bois d’œuvre au Québec, c’est sa dépendance à l’égard du marché américain. Nos exportations dans ce domaine sont trop importantes et trop concentrées vers un même pays. Donc, chaque fois qu’un politicien américain, pour une raison X ou Y, décide de serrer un peu le goulot, l’industrie entre en crise. Et chaque fois – et c’est encore le cas aujourd’hui –, les gouvernements fédéraux et provinciaux réagissent de la même manière : poursuite en vertu de l’ALÉNA et aides d’urgence à l’industrie. Bien sûr, il faut apporter une aide économique immédiate, parce qu’au Québec, plus de 200 communautés dépendent de l’industrie forestière. Il faut empêcher que toutes ces personnes se retrouvent à la rue. Le problème, c’est qu’il s’agit de mesures à court terme qui ne nous sortent pas du cercle vicieux actuel. Pour régler le problème, il faut diminuer notre dépendance à l’égard du marché américain. Non pas en exportant en Chine, comme veut le faire Couillard ! On s’exposerait au même problème. Il faut plutôt consommer davantage de bois ici, au Québec. Et c’est possible !

Aujourd’hui, le bois de charpente d’ingénierie est un matériau qui fonctionne. Le Code du bâtiment au Québec a été changé il y a quelques mois à peine pour permettre, désormais, le bois de charpente pour les immeubles allant jusqu’à 12 étages. Donc la technologie existe, on la connaît, elle fonctionne. Le bois massif résiste mieux au feu et il permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre, parce que c’est beaucoup moins polluant que le béton, qui représente 7 % des GES au Québec. C’est donc plus propre, plus écologique et ça nous permet de consommer notre propre bois et ainsi diminuer notre dépendance à l’égard du marché américain. Ce que Québec solidaire propose, c’est de donner des cibles contraignantes à l’industrie de la construction pour que, d’ici quatre ans, tous les nouveaux immeubles qui peuvent techniquement avoir une charpente en bois en aient une. Une réglementation du genre permettrait de tripler la quantité de bois consommé au Québec par le secteur non résidentiel, juste ça… Et tout ce bois-là, c’est du bois qu’on n’a pas à exporter aux États-Unis, ce qui nous protège à l’égard des aléas du libre-échange ou des sautes d’humeur de Donald Trump.

Voilà un exemple qui nous permet d’aller au-devant des gens du Saguenay–Lac-Saint-Jean, par exemple, et de leur dire : « Ce qui fragilise vos régions, c’est notamment l’aveuglement idéologique des libéraux, leur amour irrationnel du libre-échange qui les empêche de penser à ce type de solution. » Parce que c’est une solution qui est évidente, qui règle le problème du bois d’œuvre à long terme.

ÀB ! : Parlons d’éducation maintenant. Lors de ta campagne pour l’élection partielle dans Gouin, tu as beaucoup insisté sur l’éducation primaire et secondaire et beaucoup moins sur l’éducation supérieure… Des états généraux sur l’enseignement supérieur avaient pourtant lieu à la même période, à la mi-mai. Pourquoi avoir ciblé l’enseignement primaire et secondaire et non pas l’éducation en général, de la petite enfance jusqu’à la formation universitaire ?

G. N.-D. : Justement parce que c’était dans le cadre de ma campagne dans Gouin, donc il y avait une volonté de me mettre au diapason des préoccupations des gens de la circonscription. C’est dans Rosemont–La Petite-Patrie que les chaînes humaines autour des écoles publiques ont débuté. C’est un quartier de jeunes familles où, forcément, la grosse préoccupation c’est l’éducation publique primaire et secondaire.

Ce que j’aime avec l’enjeu de l’éducation, c’est qu’il s’agit d’un sujet rassembleur. La tournée Faut qu’on se parle me l’a fait réaliser. J’avais déjà cette intuition, mais elle a été confirmée par la tournée au cours de laquelle, partout où je suis allé, on m’en a parlé. À Natashquan, on m’en a parlé avec exactement les mêmes mots qu’on m’en a parlé sur Le Plateau-Mont-Royal. Je pense que pour Québec solidaire, il y a quelque chose d’intéressant à développer ce type de thèmes qui rassemblent autant les gens des grands centres urbains que des plus petites localités. Or, les enjeux de l’éducation supérieure, forcément, sont davantage discutés en ville ; c’est là que se trouvent les universités, les cégeps.

J’aime beaucoup ces enjeux qui tendent à combler (plutôt que creuser) le fossé entre « Montréal et les régions ». Je redoute cette rivalité qui est alimentée par des forces politiques qui cherchent à tirer profit de ce ressentiment. Quand on regarde les plus récents résultats électoraux aux États-Unis ou en France, on voit qu’il y a une fracture entre les grands centres urbains et les zones moins densément peuplées. Aux États-Unis, cette fracture est encore plus déterminante dans le vote que ne l’est la fracture raciale. Et je trouve qu’au bout de cette fracture-là, il n’y a rien de bon pour nous. Il faut travailler à combattre cette division.


ÀB ! : Mais est-ce que l’éducation peut devenir un réel enjeu électoral ? Les Québécoises et Québécois se disent préoccupés par l’éducation – personne n’est contre la vertu –, mais il s’agit rarement d’un sujet central, sur lequel se jouent les campagnes.

G. N.-D. : Il y a des changements démographiques, quand même, qui pèsent lourd. Par exemple, en 2018, ça sera la première élection où les baby-boomers ne constitueront plus la majorité de l’électorat. Ces changements démographiques contribuent à faire évoluer le débat public. Je pense qu’on va entendre de plus en plus parler d’éducation et que Québec solidaire peut faire de cet enjeu un de ses thèmes de prédilection. C’est déjà le cas, mais il faut continuer à le faire, parce que je pense que les gens ont confiance en nous quand on parle d’éducation.

ÀB ! : Il y aura des élections municipales cet automne. On a vu Valérie Plante être élue à la tête du parti Projet Montréal avec une candidature très progressiste. Est-ce qu’on peut s’attendre à voir QS offrir son soutien à Projet Montréal ?

G. N.-D. : À Québec solidaire, on se concentre sur le provincial, on ne fait pas d’appui au fédéral ni au municipal et je pense que c’est bien ainsi. Cela étant dit, ce serait ridicule de nier une proximité politique avec Valérie Plante et Projet Montréal, qui, en effet, ont des propos qui sont progressistes et de bonnes propositions sur beaucoup d’enjeux. J’ai eu l’appui de François Croteau de Projet Montréal au cours de ma campagne dans Gouin et j’ai bien hâte de travailler avec lui. Dans Rosemont–La Petite-Patrie notamment, la collaboration se fait très bien avec les gens de Projet Montréal. Mais je ne pense pas que ce soit nécessaire, pour Québec solidaire, de se mêler de politique municipale.

À bâbord ! : Dans d’autres systèmes électoraux et dans d’autres cultures politiques, comme en France et en Espagne, il arrive souvent que les mêmes formations politiques fassent campagne autant au municipal qu’au niveau régional, national ou supranational (comme le Parlement européen), contrairement à ici. On a ainsi pu voir en Espagne des alliances à gauche, soutenue notamment par Podemos, pour conquérir des mairies. Est-ce une avenue dans laquelle pourrait s’engager Québec solidaire, de manière à gagner en crédibilité à l’extérieur de Montréal et pouvoir ainsi faire des gains au provincial par la suite ?

G. N.-D. : Ce n’est pas une question à laquelle j’ai beaucoup réfléchi, pour être bien honnête. Mais prenons le modèle espagnol, que je trouve assez intéressant. Officiellement, Podemos ne présentait pas de candidat·e·s aux élections municipales. Il y a eu des alliances, des appuis à certaines candidatures, ce qui a pu mener aux fameuses « villes rebelles », comme on les a appelées en Espagne. Mais ces partis municipaux ou les coalitions municipales de gauche qui ont conquis les mairies de certaines villes disaient elles-mêmes à Podemos : « Merci de l’appui, mais gardons un bras de distance, s’il vous plaît. » Il y a un excellent livre sur le sujet paru chez Lux [Squatter le pouvoir – les mairies rebelles d’Espagne] que j’ai lu et recensé pour l’émission Plus on est de fous, plus on lit.

Je trouve le modèle espagnol intéressant, dans la mesure où on y voit des liens de solidarité, des alliances, une convergence d’idées manifeste et une même dynamique politique qui a donné naissance tout autant aux fameuses mairies rebelles qu’à Podemos. Tout ça est dans le même bouillon, mais tout de même avec une certaine distance les uns des autres. Ça permet même d’avoir une sorte de contre-pouvoir et je trouve qu’il y a quelque chose de sain dans cette pluralité, dans ce phénomène de contre-pouvoir.

ÀB ! : Qu’est-ce que ça vous inspire, l’alliance entre le NPD et les Verts en Colombie-Britannique pour former un gouvernement de coalition ?

G. N.-D. : Québec solidaire propose la proportionnelle. Pour être cohérent, on ne peut qu’être ouvert à ça. Je trouve très instructif pour le débat autour de la convergence avec le PQ ce qui s’est passé en Colombie-Britannique, parce qu’il n’y a pas eu de pacte électoral. Tout le monde a présenté ses candidats et candidates, ils ont fait campagne sur leur programme respectif. Les libéraux étaient au pouvoir depuis 16 ans en Colombie-Britannique. Le NPD et les Verts ont d’abord sorti les libéraux et une fois à l’Assemblée nationale, ils ont réussi à s’entendre !

Je le répète, à Québec solidaire on est tout à fait ouverts à du travail de coalition parlementaire pour appuyer des éléments progressistes. Mais cette position est très différente de l’idée de renoncer à présenter des candidatures dans certains comtés et de dire à ces électeurs et électrices : « On ne vous donne pas l’option de voter pour nous. » Donc, pour boucler la boucle de notre discussion, c’est bien une autre démonstration que la décision qu’on a prise de ne pas discuter de pacte électoral avec le Parti québécois ne relève ni de l’idéalisme ni du sectarisme. Parce qu’on est tout à fait ouverts à du travail de coalition au Parlement.

ÀB ! : Mais pour qu’une coalition parlementaire ait lieu à l’Assemblée nationale, à l’image du gouvernement NPD-Verts en Colombie-Britannique, est-ce qu’il faudrait que vous alliez chercher un appui auprès de vos instances nationales ?

G. N.-D. : Bien ça, voyez-vous, quand je parlais des défis à venir pour Québec solidaire avec la croissance qu’on connaît, c’est le genre de questions sur lesquelles il faudra se pencher d’ici 2018 : quelle marge de manœuvre on va donner à l’aile parlementaire ? Sur quoi et comment se ferait ce travail ? Etc. Il y aura des questions qu’on ne s’est encore jamais posées, ce qui fait qu’on n’a pas toutes les réponses actuellement. Il faudra y réfléchir d’ici aux prochaines élections, et ces réflexions découlent de cette deuxième phase dans l’histoire du parti que j’évoquais plus tôt.

ÀB ! : Une dernière question, pour vraiment boucler la boucle avec le début de notre entretien. Dans le livre Ne renonçons à rien, le résultat de la tournée Faut qu’on se parle, on peut voir des convergences naturelles avec le programme de Québec solidaire… Selon toi, où sont les points de convergence et de divergence entre le programme de QS et l’analyse produite par Faut qu’on se parle ?

G. N.-D. : Il y a deux choses. Il y a le discours et l’approche de Ne renonçons à rien, et il y a les propositions. Dans les propositions, il y en a déjà beaucoup qui sont dans le programme de Québec solidaire, alors que d’autres sont trop spécifiques pour y être (mais qui peuvent être du bon matériel à plateforme électorale, à mon avis). Ce processus de création de la plateforme, il s’annonce à l’automne et plusieurs personnes m’ont déjà dit, sur le terrain, qu’elles avaient lu le livre, qu’elles avaient bien aimé et que ça les avait alimentées dans leur travail de réflexion pour la plateforme électorale. Je ne serais donc pas du tout surpris que Ne renonçons à rien en inspire plusieurs dans le cadre de l’élaboration de notre plateforme.

En ce qui concerne le ton, ça a traversé notre discussion d’aujourd’hui, je trouve qu’on avait réussi, dans le livre, à avoir un ton intéressant, c’est-à-dire à la fois radicalement pragmatique tout en arrivant avec des propositions musclées. Je sais que « pragmatique », à gauche, peut être connoté péjorativement, mais moi je l’entends vraiment dans le sens de « concret ». Souvent, à gauche, on est dans les principes, on dit toujours qu’on défend des idées, mais il faut aussi défendre des mesures et il faut que les gens comprennent comment nos propositions vont améliorer leur vie quotidienne. En conclusion de Ne renonçons à rien, on est même allé jusqu’à mettre en récit une matinée où nos propositions seraient en place (« un matin, tu te lèves, tu vas te faire un café… »), pour que les gens puissent comprendre à quoi ressemblerait le quotidien après un changement social. Jean-Luc Mélenchon a fait exactement la même chose au cours de sa campagne présidentielle, avec des vidéos où il disait : « Voici de quoi aura l’air la France un an après mon élection comme président de la République. » Quand on parlait, plus tôt d’une « convergence naturelle », ça, ça en est une : que ce soit l’équipe de Mélenchon, Faut qu’on se parle ou Québec solidaire, on est tous arrivés à la conclusion qu’il faut présenter clairement les améliorations que nos propositions apporteront.

Je crois que ça dénote une forme de maturation à gauche, pas au niveau individuel, mais dans les mouvements. Il y a une génération plus mature, qui arrive aux mêmes conclusions pour battre le populisme de droite et la droite néolibérale : pour battre ces deux droites-là, il faut être capable de montrer aux gens les effets au quotidien d’un gouvernement de gauche, comment la vie ordinaire est transformée. Parce que quand les partis de droite disent « on va vous donner 50 $ de baisse d’impôts », on part à rire, mais on ne devrait pas. Parce que ça a beau ne pas être beaucoup d’argent, c’est concret. Les gens savent ce que représentent 50 $, ils savent ce qu’ils peuvent acheter ou la dette qu’ils peuvent rembourser avec ce montant – c’est tangible. Je ne dis pas qu’il faut tomber dans la facilité ; il faut respecter l’intelligence des gens. Mais il faut être plus concret dans nos propositions. Dans Ne renonçons à rien, on est allés au bout de cette réflexion, jusqu’à raconter des histoires, littéralement. Et ça, je pense que Québec solidaire doit continuer à aller dans ce sens ; il y a du travail à faire de notre côté pour concrétiser nos propositions politiques.

Je vous donne un dernier exemple en terminant : à Copenhague, 50 % des déplacements se font à vélo. À Montréal, c’est 3 % seulement. Il y a quelques années, des chercheurs ont interrogé les gens de Copenhague : « Pourquoi prenez-vous votre vélo ? Qu’est-ce qui vous pousse à aller au travail en vélo ? » La première raison donnée ? C’est plus vite, c’est plus pratique, c’est plus efficace. Les motivations écologiques venaient au bas de la liste. Donc, ce n’est pas parce que les gens sont vertueux qu’ils prennent le vélo ; ils se déplacent en vélo parce que des décisions politiques ont favorisé ce mode de transport et ont fait en sorte que c’est la bonne solution si les gens veulent se déplacer en ville. De même, ici : on ne convaincra pas les gens des couronnes de Montréal de voter pour nous et d’appuyer le transport en commun en disant : « Il faut sauver la planète. » On va les convaincre en leur disant qu’une politique de transport collectif ambitieuse va leur permettre de perdre moins de temps dans le trafic, pour en avoir davantage avec leurs enfants. Et on sait à quel point les familles des banlieues en veulent, du temps avec leurs enfants.

ÀB ! : T’es un matérialiste historique, finalement ! (rires)

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