No 67 - déc. 2016 / janv. 2017

Éditorial du no 67

Les démolisseurs

Le Collectif de la revue À bâbord !

En 2014, ils ont dit que les services seraient épargnés. Ils ont laissé entendre que les coupes seraient faites « dans le gras ». Surtout, ils ont juré que leurs mesures étaient nécessaires et que les plus vulnérables n’écoperaient pas.

Puis, ils ont actionné leurs scies mécaniques, coupant par centaines de millions en éducation, et encore par centaines de millions en santé, chaque fois en prétendant que seule la structure était visée. Quand les commissions scolaires leur ont répondu qu’ils erraient, que les compressions affectaient directement les services, ils les ont blâmées, les menaçant même de tutelle.

Puis il y a eu Bombardier, lançant en octobre 2015 son appel de détresse. Immédiatement, en claquant des doigts, le gouvernement du PLQ libérait 1,33 milliard de dollars pour la secourir. Toute cette aide pour que la multinationale procède au final à la suppression de 14 500 emplois, dont au moins 4 000 toucheraient le Québec. Normalement, un gouvernement fournit de l’aide aux entreprises pour stimuler la création d’emplois ; ici, c’est tout le contraire.

Une réingénierie brutale

En décembre 2015, Couillard, Coiteux et Leitão parviennent à convaincre les président·e·s de centrales syndicales que les caisses sont pratiquement à sec et qu’ils doivent donc accepter les quelques miettes glanées ici et là pour les salarié·e·s de l’État. Dommage que les organisations syndicales aient tant tenu à conclure les négociations du secteur public à cette date, car six mois plus tard on apprenait que le gouvernement réalisait un surplus budgétaire de 1,8 milliard $ pour l’exercice 2015-2016. Fin octobre, le chat sort finalement du sac : le surplus est plutôt de 2,2 milliards $ !

Sans qu’il faille s’en surprendre, en septembre dernier, la Protectrice du citoyen établissait que le gouvernement minimisait les impacts de ses compressions et que, chiffres à l’appui, l’austérité faisait mal aux plus vulnérables. Affichant un mépris sans nom, le premier ministre a balayé du revers de la main l’accablant rapport, affirmant que ce n’était « que du vent ».

Varlopé par des réformes aussi brutales qu’autoritaires, le personnel de la santé cherche son souffle. Les écoles sont exsangues, les enseignant·e·s ont la langue à terre et les élèves attendent d’avoir, un jour (peut-être), accès à des ressources professionnelles spécialisées.

Dans les milieux communautaires, les employé·e·s sont épuisé·e·s. Qu’à cela ne tienne, répondent en cœur nos dirigeants thatchériens : les organismes (prenant tant bien que mal la relève des services publics, alors que ce n’est pas leur rôle) et les aidant·e·s naturel·le·s, ça coûte tellement moins cher !

Stoïque, insensible, mesquin et perfide comme pas un, ce gouvernement avance ses pions, poussant sa restructuration néolibérale comme un rouleau compresseur. Après avoir charcuté l’État social et montré autant d’ingratitude envers sa population, il s’apprête à parachever sa réingénierie, en préparant des baisses d’impôts et le remboursement partiel de la dette. Méthodiquement, la mascarade électorale de 2018 se prépare.

Ces néolibéraux sont des bouchers, des liquidateurs, des pyromanes. En écrasant les faibles, en provoquant la colère et le ressentiment, ils soufflent eux-mêmes sur les braises de l’intolérance. Qui sait quel monstre ils réveilleront ?

Certains diront que nos dirigeants, en agissant ainsi, ne répondent qu’à une logique à courte vue et électoraliste. Ce serait les dissocier et les déresponsabiliser d’un plan qui nous semble clair. Un plan où cycliquement, on coupe aux mêmes endroits, saignant les salarié·e·s et les sans-emploi, enrichissant l’élite en marchandisant les droits sociaux et en privatisant les services publics. Un plan où on calme ensuite les tensions en redonnant un peu, préférablement en baissant les impôts. Un plan qui nous mènera bientôt à la bonne vieille « nécessité » de se « serrer la ceinture » encore une fois, coupant toujours les mêmes.

Les oligarques sont en guerre et veulent notre peau. Répondons-leur en masse, disons-leur que nous ne sommes pas dupes. Montrons-leur qu’à vouloir ainsi s’attaquer ignoblement au peuple, ils le paieront extrêmement cher.

Vous avez aimé cet article?
À bâbord! vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.
Partager sur        

Articlessur le même thème