L’austérité au temps de l’abondance

No 64 - avril / mai 2016

Collectif

L’austérité au temps de l’abondance

Caroline Brodeur

L’austérité au temps de l’abondance, Collectif, Montréal, Liberté, 2015, 120 p.

Ce petit livre est un recueil d’articles tirés de deux numéros de la revue Liberté : « Faire moins avec moins » (hiver 2015) et « Rétro les classes sociales ? » (hiver 2014).

L’ouvrage a le pertinent objectif de déconstruire les politiques d’austérité et d’y offrir un contre-discours. Il regroupe des contributions de sociologues (Nadeau-Dubois, Pineault et Posca), d’artistes (de Gaulejac, Jacob), ainsi que celles d’un politologue (Deneault) et d’une psychanalyste (Scarfone). Ces derniers dévoilent au fil des articles l’aspect subjectif et profondément politique de l’austérité : l’idée étant qu’en ces heures de politiques austères, l’élite fait des choix qu’elle présente stratégiquement comme inévitables, alors que dans les faits une panoplie d’alternatives s’offre à nous.

Les textes, souvent rédigés dans un langage fort imagé, dénoncent la « révolution culturelle » décom­posant le paysage politique et économique québécois ainsi que l’incapacité actuelle de la classe moyenne d’y faire face, de combattre l’austérité hégé­monique (Pineault) et la destruction des institutions de la Révolution tranquille. Les textes se veulent aussi un lieu de départ pour la lutte, dans le sens où ils dépeignent une lutte des classes déjà enta­mée, où l’élite à une longueur d’avance pour la victoire (Nadeau-Dubois, de Gaujelac et Deneault).

Un format à revoir ?

Bien que l’ouvrage s’adresse principalement à un public déjà sympathique à ses arguments, les auteur·e·s auraient gagné à revoir le format et le contenu un tant soit peu de manière à mieux soutenir les idées avancées. Le manque de références et de soutien nuit parfois à la solidité de ’argumentaire et confine L’austérité au temps de l’abondance à la catégorie de recueil de « chroniques » plutôt qu’à un ouvrage intellectuel appuyé.

Ainsi, un public déjà conquis aurait pu renforcer ses bases au lieu de se faire répéter des idées qui, sans références ni explications, nous semblent parfois aussi dogmatiques que celles des adversaires politiques, les « austériens ». Là où le format revue obligeait à certains raccourcis, le passage en livre aurait pu être l’occasion de développer quelques concepts employés comme l’hégémonie, la lutte des classes et l’accumulation par dépossession.

Dans le même ordre d’idées, nous croyons qu’il aurait été judicieux de revoir certains propos qui peuvent paraître condescendants et qui nuisent à l’élargissement du lectorat ainsi qu’à la portée de cet ouvrage collectif. Décrire Monsieur ou Madame Tout-le-monde comme souffrant d’un « assèchement de l’âme » (Scarfone) au lieu d’essayer de les convaincre de nos idées est un exemple manifeste d’un manque de stratégie présent dans certaines franges de notre gauche politique contemporaine. Ainsi, les auteur·e·s traitant de contre-hégémonie ne semblent pas mettre en pratique les leçons gramsciennes qu’ils et elles mettent parfois de l’avant ; celles disant que nous ne renverserons l’hégémonie qu’en convainquant les masses, la classe moyenne, la majorité de nos idées contre-hégémoniques. Cela passe par l’éducation, la culture, la politique ainsi que par des ouvrages comme celui-ci, qui passe probablement à côté de son objec­tif en méprisant les gens qu’on souhaiterait convaincre.

Vous avez aimé cet article?
À bâbord! vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.
Partager sur        

Articlessur le même thème