Le débat public-privé

No 36 - oct. / nov. 2010

Billet

Le débat public-privé

Jean-Yves Joannette

Je suis comme la majorité des gens. Je n’ai pas d’opinion arrêtée sur les grands débats de société. D’une manière générale, je me tais, je fais partie de la majorité silencieuse. À vrai dire, je pense que je suis un infime élément de l’opinion publique. « Je pense, donc je suis. »

J’ai des opinions tranchées selon le moment que je vis. Par exemple, je suis très pro-piéton lorsque je ne suis pas en auto. Je suis aussi pour l’euthanasie en général, mais je ne sais si je le demeurerai lorsque mon fils prendra une décision sans appel.

Je subis le débat public-privé de la même manière. Avec des opinions tranchées selon les situations. Dans les situations où les camps sont dans les tranchées, j’ai des opinions très variables. Vous allez me dire que je pourrais réfléchir, peser le pour et le contre et définir une position claire. Mais voilà, si je me fie à mes expériences personnelles, en luttant contre les idées toutes faites, je demeure dans un état de perplexité avancé.

Ainsi, dans mon vécu, je suis arrivé à une conclusion nuancée sur la place du privé dans l’éducation. J’ai envoyé mon fils à l’école publique. Au secondaire, tout s’est dégradé. Il n’aimait plus l’école. Il n’étudiait plus, il subissait de mauvaises influences. Il écoutait de la musique bruyante et déprimante, s’habillait de manière ridicule, perdait son vocabulaire et ses capacités d’élocution. Il a abandonné les études. J’étais catastrophé. Pour vivre pleinement ses folies d’adolescent, il a été travailler. D’une « shop » minable à une autre, toujours au salaire minimum, dernier entré premier remercié, il a fini par se lasser et, miracle, il est retourné aux études. L’apport du privé à son raccrochage scolaire me semble donc indéniable.

Autre exemple, il est généralement admis que le privé est innovateur. Mais comme utilisateur compulsif de la « zappette », je dois admettre que c’est bien la publique Télé-Québec qui a innové en programmant des reprises et en diffusant des documentaires ennuyants. Hier on s’en moquait, mais depuis, le privé a même créé des canaux de documentaires ennuyants qu’ils passent en reprise. Personnellement, je trouve que rien ne vaut une bonne reprise pour m’endormir. Mais cela relève du domaine privé.

Certaines rumeurs assurent aussi que le privé ne prend pas ses responsabilités sociales et, au nom du profit, se fout de la santé et du bien-être de sa clientèle. Mais si cela était vrai, verrions-nous une grande chaîne d’alimentation vraiment rapide subventionner un hôpital pour enfants et même envoyer un clown promotionnel les divertir de leurs cancers. Bien entendu, j’ai ouï dire que le docteur Patch Adam, le premier clown médecin, pratiquait dans le public. Cela complique l’analyse et me laisse sur ma faim.

Autre élément de confusion, en 2009, à la suite d’une crise financière qualifiée de maints superlatifs, les gouvernements du monde ont subventionné les compagnies privées et la reprise à même les deniers publics. Et voilà qu’ils nous disent qu’il faut compter sur le privé pour relancer l’économie. Et de me demander comment cela pourrait bien reprendre alors que leurs profits se réalisent en se privant d’employés ?

La rumeur veut aussi que l’État soit abominablement mal administré et le privé imparable. Et moi, de me demander pourquoi, si cela était vrai, le privé continue d’engager des ex-ministres à des postes d’administrateurs. Cela me fait vraiment craindre pour la reprise.

Voilà, tout cela pour vous expliquer combien le débat public-privé me met dans un « état » qu’il me faudrait bien un jour définir.

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