L’Ambassade universelle : squat bruxellois des sans-papiers

No 21 - oct. / nov. 2007

Pas vu à la télé

L’Ambassade universelle : squat bruxellois des sans-papiers

Jill Hanley

Josef, un Nigérien de 27 ans, devient résidant de l’Ambassade universelle peu après que sa demande de statut de réfugié a été refusée par la Belgique. Il est hospitalisé pour anxiété à la suite de ce refus, puis référé, à sa surprise, à « un groupe qui aide les sans-papiers ». Deux semaines plus tard, il se trouve en compagnie de trente sans-papiers habitant un squat dans l’ancienne ambassade somalienne, abandonnée depuis 1991 à cause de la guerre civile. Cet immeuble est situé dans le quartier diplomatique de Bruxelles, tout près de l’Université Libre de Bruxelles et de chics boutiques — le dernier endroit où l’on s’attendrait à rencontrer un groupe militant de sans-papiers ! Devenu symbole de la lutte pour les droits des sans-papiers, l’Ambassade a résisté à plusieurs tentatives policières visant à la fermer.

L’Ambassade a été fondée après que les médias ont rapporté la mort d’une Nigérienne étouffée par les gendarmes qui l’expulsaient. Cette tragédie a entraîné en 1998 l’occupation d’une église par des centaines de sans-papiers, une action appuyée moralement et matériellement par le mouvement communautaire. Cette occupation s’est terminée en 2000 par un mystérieux incendie, mais quelques-uns ont choisi de continuer leur lutte en squattant l’ex-ambassade de la Somalie grâce aux clés que leur a fournies un membre de la communauté somalienne. Depuis, l’Ambassade est un endroit où les « illégaux » — habitués de vivre sous la menace de l’arrestation, de la détention et/ou de la déportation — peuvent trouver solidarité et appui dans leur quête pour la régularisation.

Le nombre de résidantes de l’Ambassade, gérée en collectif, est limité par l’espace, mais les militantes de l’Ambassade (sans-papiers et Belges solidaires) offrent d’autres services aux non-résidantes : information sur la recherche d’emploi, sur l’accès à l’éducation, à l’aide juridique, aux soins de santé et aux services sociaux, etc. Mais l’aspect le plus important, insiste Josef, reste l’appui moral et la fraternité : « Il nous est souvent difficile même de sortir, à cause des contrôles de papiers [dans les métros, dans la rue]. Cela nous contraint. Nous ne sommes pas dans une situation d’égalité. Toute notre vie sociale est alors à l’intérieur de l’Ambassade. »

Les résidantes de l’Ambassade sont invitées à s’impliquer dans les activités militantes visant à changer la perception qu’a la population des sans-papiers. Certains, comme Josef, aspirent plutôt à une « vie normale » — ce qui ne va pas sans créer quelques tensions internes.

L’Ambassade reste un lieu de rassemblement de militantes pour les droits des sans-papiers. C’est un bel exemple de la façon dont les sans-papiers peuvent s’auto-organiser afin de faire avancer leurs droits et de faire connaître leur situation au public. Pour Amin, l’Ambassade universelle représente aussi une véritable entreprise de solidarité entre les sans-papiers et leurs alliées : « Le meilleur soutien qu’on peut offrir aux sans-papiers, c’est de leur ouvrir des espaces qui leur permettent de s’organiser eux-mêmes, de se prendre en charge et de décider ce qu’ils veulent faire et selon quel mode d’action, et non de leur dicter ce qu’ils doivent faire, comme le font et refont les militants professionnels qui veulent donner des leçons aux sans-papiers. »

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