Peut-on ne pas croire ? Sur la vérité, la croyance & la foi

No 23 - février / mars 2008

Jacques Bouveresse

Peut-on ne pas croire ? Sur la vérité, la croyance & la foi

lu par Mouloud Idir

Mouloud Idir

Jacques Bouveresse, Peut-on ne pas croire ? Sur la vérité, la croyance & la foi, Marseille, Agone, coll. « Banc d’essais », 2007, 288 p.

Peut-on ne pas croire ? La question est colossale. Ajoutons qu’elle est loin d’être inédite. Ce qui peut toutefois l’être est davantage l’innovation heuristique découlant d’une démarche qui ose aborder le questionnement sous des contours inédits. Sur ce plan, c’est avec une démarche philosophique peu connue dans le monde francophone – la philosophie analytique – que le philosophe Jacques Bouveresse nous invite à prolonger ce débat.

Quelques mots sur le courant de pensée avant d’aborder le propos. C’est globalement pour répondre à un climat philosophique dominé par le courant de pensée phénoménologique que va émerger la tradition de la philosophie analytique en France. Ce courant de pensée remontant au « Cercle de Vienne », et dont les noms illustres sont notamment Bertrand Russel, Gottlob Frege et Ludwig Wittgenstein, préférait l’étude de la logique argumentative et du langage scientifique au surgissement heideggérien de l’« événement » ou à l’« écoute de l’être », qui longtemps bénéficiait des faveurs du milieu intellectuel français.

S’agissant du présent ouvrage, Bouveresse aborde des questions complexes et de haute facture philosophique : toutes les croyances ont-elles la même valeur ? Le besoin de croire est-il fondamental chez l’être humain ? Quels rapports entretiennent science et religion ? Religion et croyance ?

Reprenant les mots de Robert Musil, Bouveresse ose l’affirmation suivante en guise d’élément de réponse : « L’humanité devrait, si possible, apprendre à croire un peu moins et à supporter un peu mieux la privation de croyance. » Dans le prolongement de la démarche pascalienne, Bouveresse pense finalement que la possible dignité de l’être humain se trouve à la portée d’une démarche réflexive. Dès lors, le défi est de prendre la mesure des vertus épistémiques qui se déclinent dans la rigueur en matière de pensée. Pour notre part, nous voyons au moins une vertu apparente dans une telle démarche philosophique : c’est celle consistant à répondre au relativisme actuel que l’on peut aisément associer à une démarche antimoderne refusant au politique et à la philosophie toute assise fondationnelle et tout rapprochement avec une démarche de vérité (celle de la cohérence argumentative). Bouveresse l’énonce ainsi : « on est obligé, en tout cas, de se demander si ce n’est pas essentiellement une indifférence devenue presque complète à la question de la vérité [...] qui vaut à la religion le regain de sympathie et de prestige qu’elle connaît en ce moment. »

Si Bouveresse persiste à refuser de nier « la valeur perpétuelle » de la philosophie, c’est qu’il prend toute la mesure de la fonction critique inhérente à la pensée rationnelle dans laquelle s’inscrit la tradition analytique dont il se réclame. Quels sont les mérites de cette fonction critique ? Au niveau philosophique, ce sont ceux qui « permettent d’effectuer un travail méticuleux et patient qui permet des avancées limitées mais réelles, de formuler des positions philosophiques précises, argumentées dans le détail, modifiables au fil des discussions et des réévaluations concertées. En témoignant ainsi d’une indéniable capacité de développer et d’affiner des raisonnements consistants et convaincants sur n’importe quel sujet », à l’instar de la question de la croyance.

Une telle démarche de réflexion est résumée sous le vocable de « philosophie des petits progrès ». C’est donc aussi sous le crible de cette démarche que devrait être abordée la question de la croyance, que celle-ci s’appuie sur un parti pris béat et positiviste envers la science ou qu’elle se présente sous les oripeaux du dogme révélé irradiant par la seule vertu de sa grâce.

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