Manuel d’antispéculation immobilière – Une introduction aux fiducies foncières communautaires

No 59 - avril / mai 2015

Sous la direction de Johan Emmeus Davis

Manuel d’antispéculation immobilière – Une introduction aux fiducies foncières communautaires

Simon Van Vliet

Manuel d’antispéculation immobilière – Une introduction aux fiducies foncières communautaires, sous la direction de Johan Emmeus Davis, Montréal, Écosociété, 2014, 216 p.

Avec ce livre, les éditions Écosociété proposent une introduction aux fiducies foncières communautaires (FCC), un « modèle social, innovant et antispéculatif d’accès à la propriété ». Le manuel consiste en un recueil de textes compilés par John Emmeus Davis, un militant états-unien impliqué dans le développement des FCC depuis plus de 30 ans, qui entend faire la démonstration que ce modèle représente un « antidote à la logique spéculative qui gangrène les marchés immobiliers et fonciers traditionnels ».

Véritable anthologie d’un mouvement, la première partie du manuel retrace les origines et l’évolution des FCC aux États-Unis. Depuis l’intuition des précurseurs du 19e siècle qui pensaient que « les grands propriétaires ne sont rien d’autre que des parasites qui profitent de la productivité d’autrui » et qu’il fallait trouver un moyen de « saisir la plus value sociétale afin qu’elle serve à l’amélioration de la collectivité plutôt qu’à l’enrichissement privé », on suit le développement de cet idéal progressiste de propriété au gré d’initiatives qui ont forgé les principes et les pratiques du mouvement.

La seconde partie du manuel s’attarde aux grandes caractéristiques d’un modèle qui s’est construit à partir des besoins et des aspirations portés par des mouvements tels que celui pour les droits civiques des Noirs ou ceux contre la gentrification des quartiers centraux. Outil de réforme foncière et sociale subordonnant la valeur d’échange d’une propriété à sa valeur d’usage, la fiducie vise à « remédier aux conséquences sociales, économiques et environnementales les plus dommageables qui découlent du fait de traiter et d’évaluer des terrains comme des marchandises ». En plus d’assurer une redistribution équitable de la plus-value acquise par une propriété entre son propriétaire individuel et la communauté, la propriété domiciliaire à plus-value partagée « distribue autrement la propriété et le contrôle » par le biais de mécanismes contractuels répartissant les droits, les risques, les responsabilités et les bénéfices. Ce modèle permet ainsi de pérenniser les fonds publics et privés investis dans l’acquisition de terrains. Un exemple ? Le Champlain Housing Trust de Burlington, fondé en 1984 à l’aide d’une subvention initiale de 200 000 $, gère aujourd’hui un parc de 500 immeubles et 1 500 logements ! On verra aussi que le modèle s’adapte aux besoins de la relève agricole, comme en témoigne l’expérience récente de développement des fiducies foncières agricoles au Québec qui fait l’objet d’un encadré dans le manuel.

La troisième partie du manuel porte sur les processus d’implantation en cours des FCC en Europe et propose un éclairage intéressant sur les enjeux et les défis de l’adaptation de ce modèle dans un contexte législatif et politique non états-unien. Étant donné la complexité technique et juridique du modèle, on aurait apprécié davantage d’outils pratiques, tels que des modèles de contrats par exemple. Cela dit, hormis quelques redondances résultant de l’assemblage des textes, la lecture de ce manuel nous offre un regard expérimenté sur un modèle de propriété proposant une porte de sortie au cercle vicieux de la spéculation effrénée qui fait passer les intérêts à court terme des investisseurs privés avant les besoins et les aspirations des communautés.

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