Ma conversion de l’automne

No 37 - déc. 2010 / jan. 2011

Saute d’humeur

Ma conversion de l’automne

Jean-Yves Joannette

Je suis en processus de conversion. Avec amertume, je passe l’arme à droite. Depuis les récentes révélations médiatiques j’ai compris ma méprise.
Je sais exactement quand j’ai senti un premier malaise. C’était pendant une émission de Christiane Charrette. Elle se pâmait sur la fondation de Cœur de pirate. Imaginez, une fondation pour envoyer des enfants mal argentés à l’école privée et hautement distinguée Jean de Brébeuf. Que les dames patronnesses aient aujourd’hui des tatous est peu surprenant. Mais qu’une de mes animatrices préférées soit en pâmoison devant un projet aussi ridicule m’a mis dans un état où je me suis mis à douter de mes choix culturels.

J’avais eu un malaise semblable lorsque j’avais vu Bazzo écouter Facal avec enthousiasme. Je lui avais alors pardonné en me disant qu’elle s’amusait de la prononciation du personnage et portait peu attention à ses discours qui, compte tenu de son élocution, ont toujours l’air bien articulé. Mais maintenant que ma Christiane s’était fait pirater le sens critique, l’inconfort m’envahissait : et si c’était moi qui me trompais ?

Puis, il y a le saint Frère André. Parano peut-être, j’ai vu l’ombre de monseigneur Ouellet choisir méchamment la date de la béatification pour faire avorter une percée médiatique de la Marche mondiale des femmes. Puis, il y a eu ses douteux miracles. Un mouvement obscur qui n’attend qu’un « Legault » pour se sentir « parti », puis l’arrivée tonitruante du « Réseau liberté Québec » et l’apparition miraculeuse du stentor Duhaine. Alors qu’il semble que l’humanité l’attendait je vous l’avoue, moi, je ne l’attendais pas. En fait, je ne comprenais pas.

J’ai cherché. Le RLQ serait plus à droite que l’ADQ qui, bien que maladroite, est plus à droite que le PLQ qui me semblait déjà passablement à droite. Le PQ ayant perdu son aile gauche et ne battant plus que de la droite, j’en concluais que QS devait donc se retrouver au centre. Eh bien non ! J’apprends subitement que la gauche, la vraie gauche méchante socialiste et communiste, est au pouvoir au Québec depuis les années 1960. Lesage-Lénine, Lévesque-Castro, Hydro-Québec et le Canal de Suez, autant d’éléments à lier pour comprendre ces sombres années où s’articulaient dans les coulisses de l’Histoire les « Que faire ! Maîtres chez nous ! » OUI ! Tout se remet en place et une meilleure compréhension de ma vie émerge. RÉVÉLATION ! Ceux que je contestais étaient des amis de l’ombre, ils construisaient une société socialiste.

Mais voilà c’est fini. La vérité sort, bruyante et tapageuse. Comme en ex-RDA on laisse tomber les masques ! C’est pourquoi Guy A. Lepage invite le messie « Du haine » plutôt qu’une des porte-parole des 10 000 « nounounes » féministes. Parce qu’on vient de me l’expliquer, les féministes aussi font partie du complot socialiste. Elles ont servi à saper la base principale de la famille qu’est la femme au foyer, elles ont clamé que leurs corps leur appartenaient. Ah ! Le complot socialo-féministe qui a jeté à terre la confiance masculine et les valeurs de virilité. Imaginez ce que pourrait être aujourd’hui une marche de la Fierté si elles n’avaient pas été là. Les Conservateurs les subventionneraient ces marches d’une réelle Fierté.

Et moi, le cœur à gauche je n’ai rien vu. Vraiment, où se cachait donc ma lucidité ? Et maintenant que le complot auquel je participais innocemment a été mis au jour, il est possible que l’on cherche à me nuire. Non, moi aussi je portais un masque. Vous me demandez comment j’ai été converti ? C’est lorsque Maxime Bernier nous a expliqué que l’État est responsable du prix de la bière et que sans État nous pourrions boire plus. Cela a été une révélation. D’ailleurs, j’ai toujours vu Pinochet comme un grand économiste. Et toujours cru que Dieu a vraiment créé le monde en sept jours et l’homme le vendredi et la femme le samedi ; c’était au début de l’automne, car il y avait des pommes.

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