Pour changer le monde - Affiches des mouvements sociaux au Québec, 1966-2007

No 26 - oct./nov 2008

Jean-Pierre Boyer, Jean Desjardins et David Widgington

Pour changer le monde - Affiches des mouvements sociaux au Québec, 1966-2007

Lu par Philippe de Grosbois

Philippe de Grosbois

Jean-Pierre Boyer, Jean Desjardins et David Widgington, Pour changer le monde - Affiches des mouvements sociaux au Québec, 1966-2007, Montréal, Lux, 2008, 360 p.

Il est plutôt rare qu’au Québec la gauche saisisse l’occasion de célébrer quelque chose qui ressemble à une tradition. Les traces d’une gauche organisée, militante et nombreuse se font-elles rares lorsque l’on remonte dans le temps ? La célébration du passé fait-elle peur ? C’est néanmoins ce que le livre Affiches des mouvements sociaux au Québec parvient à faire, avec ses 659 affiches rassemblées pour la première fois : montrer que la gauche québécoise peut se déclarer porteuse d’une tradition, et en être fière. Boyer, Desjardins et Widgington évitent le piège des « traditions inventées », comme les appelle l’historien Eric Hobsbawm : ces récits largement construits, qui oblitèrent les aspérités du passé et célèbrent une harmonie factice, afin d’unifier une nation et de taire les dissensions.

Les affiches réunies ici laissent voir un virage important vers le milieu des années 1980, alors que la montée du néolibéralisme en Occident et l’effondrement du Bloc soviétique chamboulent le terrain politique. Au Québec, le PQ et le PLQ tournent de plus en plus clairement le dos aux classes populaires. Dès lors, l’affiche qui, dans les années 1970, manifestait une ambition parfois démesurée, certes, mais une démesure ambitieuse surtout, devient progressivement plus polie, plus timide, plus consensuelle, à tout le moins pour une dizaine d’années, jusqu’à ce que l’arrogance du capitalisme global déchaîne de nouvelles passions.

Au fil des affiches, on prend contact avec une histoire qui se décline non pas en une succession de faits d’armes, mais comme un témoin de rêves parfois absurdes, de replis hésitants, et surtout de la dignité arrachée par les mots, les images et, bien sûr, les luttes.

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