Dossier : Partenariats public-privé

PPP : étude de cas # 4

La privatisation des services à domicile

par Isabelle Matte

Isabelle Matte

À défaut d’investir les 611 millions nécessaires dans les services à domicile, le gouvernement Charest confie au privé la majeure partie des services donnés par les auxiliaires familiales et sociales (AFS). Les AFS donnent des services d’aide à l’hygiène, à l’alimentation, à l’entretien ménager pour permettre aux familles ou aux personnes qui ont des difficultés ou qui vivent avec des incapacités temporaires ou permanentes de pouvoir demeurer dans leur domicile. Selon la Coalition Solidarité Santé qui a fait l’analyse de ces orientations ministérielles, il s’agit d’une limitation du droit à la santé.

Les CLSC doivent dorénavant diriger les usagers qui ont des besoins à long terme vers les entreprises d’économie sociale. Les usagers ont aussi « le choix » d’embaucher eux-mêmes leur personnel par le biais du chèque emploi service… pour ceux qui sont en mesure de recruter, encadrer le personnel et remplir les formulaires. Au total, les 2/3 des prestataires, soit environ 225 000 personnes handicapées ou en perte d’autonomie, perdront leur droit aux services publics. Les services d’auxiliaires familiales et sociales du CLSC seront limités aux personnes qui ont des besoins de courte durée, suite à une hospitalisation ou pour des soins palliatifs.
Cette désassurance des services publics comporte de sérieux dangers. En voici les principaux :

Pas de garantie de qualité

Les employées des entreprises d’économie sociale et les travailleuses de gré à gré ne sont pas formées pour donner des bains, aider les gens à s’habiller, à s’alimenter…Ils travaillent dans des conditions difficiles : salaire horaire faible, déplacements non payés, très faible support clinique, multiples changements d’usagers, ce qui se traduit par un taux de roulement de personnel très élevé. Ces employées du privé ne travaillent pas en multidisciplinarité avec les autres professionnels de la santé. Elles ne peuvent participer aux plans d’intervention conçus pour favoriser la prévention et développer l’autonomie des personnes ayant souvent des conditions de santé très précaires. Le ministère a beau confier la responsabilité de la qualité des services au réseau public, dans les faits, c’est inapplicable.

Des services qui risquent d’être payants

Certains services, comme l’entretien ménager, la préparation de repas ou le répit-gardiennage, n’étaient souvent plus des services publics et gratuits. Voilà qu’on en rajoute, car lorsqu’on confie les services d’assistance personnelle (bain, habillement, etc.) aux entreprises d’économie sociale, les risques sont grands qu’on oblige les personnes à payer en fonction de leur revenu comme c’est le cas pour l’aide domestique, sauf si on gagne moins de 8 450 $ par an. Cette mesure exclut d’emblée presque toutes les personnes âgées, qui devront payer pour avoir droit à ces services pourtant essentiels. Ce n’est que lorsque la personne est en mesure de recourir au chèque emploi-service que la gratuité serait maintenue.
Il s’agit d’un retrait pur et simple de l’État des services à domicile et la fin de l’universalité de ces services publics !

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