Dossier : Santé - État d’urgence

Dossier : Santé - État d’urgence

L’accès aux services de santé

Une situation préoccupante pour les Autochtones à Montréal

Alexandre Paré

La région métropolitaine de Montréal concentre sur son territoire la huitième plus grande population autochtone urbaine au Canada. Entre 2001 et 2006, le nombre d’Autocthones vivant à Montréal a bondi de 60 % pour se fixer à près de 18 000 personnes. Et rien ne semble indiquer que la tendance s’inversera. Les services de santé disponibles sont toutefois mal adaptés aux besoins particuliers de cette population et le temps presse pour remédier à la situation.

Majoritairement âgés de 15 à 44 ans, les Autochtones montréalais sont jeunes et le tiers d’entre eux et elles ont moins de 25 ans. Les données recueillies par Statistique Canada montrent également que la communauté autochtone connaît un taux de chômage plus élevé que le reste de la population, ce qui constitue un important déterminant de la santé. De plus, à la différence des Autochtones urbains des villes de l’Ouest canadien qui s’y sont installés depuis plusieurs générations, plus de 85 % des Autochtones à Montréal sont nées à l’extérieur de la ville et près de la moitié affirment ne pas avoir l’intention de retourner s’installer dans leur communauté d’origine. Or, ce contexte de migration, qui fait en sorte qu’il leur est difficile de se regrouper au sein d’une communauté bien définie, et la précarité générale de leur situation économique ont des conséquences périlleuses sur leur santé. Par exemple, 17,7 % des Autochtones à Montréal seraient atteintes de la tuberculose alors que la maladie n’affecte que 4,3 % du reste de la population. En outre, bien qu’ils et elles ne comptent que pour à peine 4 % de la population canadienne, les Autochtones représentent 7,5 % des cas de VIH-sida au pays.

La situation devient plus alarmante encore quand on considère que les Autochtones qui tentent d’accéder à des services de santé se heurtent à des barrières culturelles, linguistiques et structurelles qui entretiennent leur méfiance envers le personnel médical. Désireux d’obtenir des soins de santé qui correspondent à leurs attentes, les Autochtones de Montréal se tournent alors vers des ressources qui ne sont ni équipées ni qualifiées pour leur répondre. La sous-estimation de la population autochtone de Montréal a de graves répercussions sur les services offerts. En conséquence, les programmes de subvention et les initiatives fédérales qui permettent aux provinces et aux municipalités de bien desservir la clientèle autochtone ont été réduits en comparaison de ceux destinés au reste de la population.

Le RÉSEAU s’active à Montréal

Une étude du Regroupement des centres d’amitié autochtone du Québec (RCAAQ), publiée en 2008, démontrait clairement que Montréal accuse un retard considérable sur plusieurs autres villes canadiennes en matière de ressources et de services de santé offerts aux Autochtones. À Ottawa, le Wabano Centre for Aboriginal Health (WCAH), un centre de santé holistique autochtone, existe maintenant depuis 1998. À Toronto, une ville qui compte le même pourcentage de population autochtone que Montréal, plusieurs points de service destinés aux Autochtones sont déjà disponibles et le centre Anishnawbe Health Toronto (AHT) y est ouvert depuis 25 ans. Dans son édition du 15 janvier 1993, le Journal de l’Association médicale canadienne citait le docteur Wendell Block, qui se disait heureux que les hommes de la communauté autochtone, qui négligeaient autrefois leur santé parce qu’ils ne faisaient pas confiance au système de santé occidental, puissent maintenant y accéder grâce au centre AHT qui leur avait donné l’occasion de lui faire confiance à nouveau. Le succès de ces deux initiatives demeure une source d’inspiration pour les membres du comité de travail sur la santé du RÉSEAU pour la stratégie urbaine de la communauté autochtone à Montréal qui planifient l’ouverture d’un point de service semblable.

Dans le contexte montréalais, où les efforts du RÉSEAU se multiplient d’année en année pour améliorer la qualité de vie des Autochtones de la région, l’évaluation des besoins de la communauté autochtone en matière de santé constitue la pierre angulaire d’une démarche qui lui permettra d’accéder à des soins de santé qui conviennent à ses besoins. À cet effet, le comité de travail sur la santé du RÉSEAU a entrepris, avec le concours de ses membres et de ses partenaires, un projet de recherche visant à faire l’évaluation des besoins de la communauté autochtone de Montréal et des services qui lui sont offerts. Le projet vise à guider la création d’un centre de santé holistique autochtone et d’une base de données des services de santé accessibles aux Autochtones dans la région métropolitaine. L’intégration de notions axées sur les forces autochtones, la résilience et les efforts vers une vie équilibrée sont des approches nécessaires à l’obtention d’une offre de services compréhensive qui réponde aux besoins de santé de la communauté autochtone de Montréal. Le défi consiste cependant, encore et toujours, à trouver les ressources et le soutien nécessaires à la prompte réalisation du projet.

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