L’économie participaliste

No 58 - février / mars 2015

Pascal Lebrun

L’économie participaliste

Diane Lamoureux

L’économie participaliste, Pascal Lebrun, Montréal, Lux, 2014.

Depuis l’implosion des régimes politiques de l’ancien bloc soviétique et la conversion de la Chine aux vertus du marché, la gauche semble orpheline sur le plan des modèles économiques. La planification économique centralisée de même que l’État-providence de type keynésien ont donné naissance à des monstres bureaucratiques (assez différents), tout en perpétuant les inégalités sociales et économiques, et l’économie sociale se définit elle-même comme un tiers secteur qui n’aspire aucunement à devenir la totalité de l’organisation économique. Une proposition économique qui allie organisation économique et autogouvernement des populations est donc la bienvenue.

Dans cet ouvrage, Pascal Lebrun entreprend, dans un premier temps, de nous présenter les grandes lignes du projet d’économie participaliste (traduction de l’expression participatory economics) développé par deux militants états-uniens, Michael Albert et Robin Hahnel. Il en situe les fondements et les principaux éléments, le rattache à une vision géné­rale de la société, fait état des critiques qui ont été formulées à son endroit, analyse quelques expériences nécessairement restreintes et se pose la question de la faisabilité du projet. Le tout en moins de 300 pages, ce qui représente un travail de synthèse remarquable.

L’intérêt de l’économie participaliste, c’est qu’elle préconise des modes de coordination économique (conseil de travailleurs et travailleuses, d’une part, conseil de consommation, de l’autre) qui s’inspirent du mécanisme politique de conseils locaux et qui se réseautent et se fédèrent, dans un mode faisant que les impulsions viennent de la base et non du sommet. Le modèle repose sur quatre valeurs principales  : l’équité, l’autogestion, la solidarité et la diversité. Ces valeurs sont complétées par l’égalité entre les femmes et les hommes et l’inclusion, de même que par une sensibilité écologique. Ce qui est le plus étonnant pour une proposition économique de gauche, c’est qu’elle inclut dans ses principes fondateurs la notion de l’efficience économique.

Comme le modèle se veut holiste, il veut arrimer cette proposition économique à une vision de l’organisation politique qui s’inscrit, grosso modo dans la tradition de l’autogouvernement, mais qui distingue les dimensions législatives, judiciaires et coercitives, tout en accordant un rôle important à l’existence de médias de qualité afin de faire circuler l’information nécessaire à ce programme d’autogestion généralisée dans l’ensemble de la société.

Pour tous ceux et celles qui se posent la question d’une alternative radicale au néolibéralisme, qui constitue la figure actuelle du capitalisme, cet ouvrage s’avère important. Il nous donne des pistes pour une autre forme d’organisation politique et économique qui repose sur la coopération, plutôt que la compétition, tout en tentant de faire une large place à la liberté des personnes et des collectivités. Si les expériences d’écopar qui nous sont présentées sont assez limitées (un café ou une maison d’édition), le projet a le mérite d’être articulé théoriquement tout en permettant des expérimentations pratiques. Surtout, l’ouvrage nous donne le goût de pousser plus avant nos investigations.

Thèmes de recherche Capitalisme et néolibéralisme, Livres
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