Un printemps rouge et noir

No 55 - été 2014

Collectif sous la direction de Marcos Ancelovici et Francis Dupuis-Déri

Un printemps rouge et noir

Diane Lamoureux

Un Printemps rouge et noir, Marcos Ancelovici et Francis Dupuis-Déri (dir.), Montréal, Écosociété, 2014, 375 p.

Cet ouvrage qui se voulait le premier sur la grève étudiante s’est fait devancer, mais il n’en conserve pas moins sa pertinence. La plupart des textes qui le composent sont écrits à au moins quatre mains, c’est-à-dire qu’ils sont le fruit de la collaboration entre un·e prof et un·e étudiant·e.

L’introduction cherche à opérer un retour sur le printemps érable dont la facture reste largement journalistique, même si elle tente d’incorporer certaines analyses un peu rapides sur le mouvement étudiant en général et sur la disponibilité des étudiant·e·s à l’action collective. On a donc droit à un retour sur les principaux épisodes mémorables de ce printemps organisés selon la logique de la grève étudiante qui se transforme en crise sociale et qui écorche au passage certaines stars du monde médiatique. Néanmoins, c’est plus dans la conclusion que l’on retrouve un regard analytique des deux coordinateurs du projet sur ce qui reste de cette lutte, soulignant la minceur des résultats tangibles, l’effet de politisation, mais aussi la capacité rapide du système de « digérer » la crise, comme en témoignent les récentes élections québécoises.

La première partie est assez hétéroclite puisque sous le titre « la démocratie en action », elle regroupe des contributions sur l’histoire du syndicalisme étudiant, la CLASSE, les actions féministes ou la mobilisation des « casseroles ». On y insiste essentiellement sur l’horizontalité du mouvement et ses pratiques de démocratie directe.

La deuxième partie est plus structurée et rend compte à la fois de la production médiatique du mouvement et de son usage créatif du Web et des pratiques artistiques de lutte qui s’y sont développées. À cet égard, l’accent est mis sur les arts visuels et la production littéraire du mouvement.

La troisième partie porte sur les réactions institutionnelles, à savoir l’impact sur les partis politiques d’une part et sur l’appareil judiciaire et policier de l’autre. L’article le plus novateur est certainement celui sur la judiciarisation du conflit comme tentative de dépolitisation. Il y a également un chapitre très bien documenté sur l’ampleur de la répression policière.

Cet ouvrage se situe dans l’intervalle entre l’analyse à chaud et la mémoire militante. Il permet de saisir l’esprit du mouvement dans la diversité de ses manifestations et des subjectivités qu’il met en œuvre. Mais, comme le reconnaissent d’ailleurs Marcos Ancelovici et Francis Dupuis-Déri, il n’a pas l’envergure analytique de celui du Collectif de débrayage, qui demeure jusqu’à présent le meilleur ouvrage pour comprendre ce printemps 2012.

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