Traite, prostitution, inégalité

No 55 - été 2014

Catharine A. MacKinnon

Traite, prostitution, inégalité

Chantal Santerre

Traite, prostitution, inégalité, Catharine A. MacKinnon, Montréal, M éditeur, coll. « Mobilisations », 2014, 128 p.

Issu d’un discours prononcé par Catharine A. MacKinnon le 5 janvier 2005 à Bihar, en Inde, ce livre bien documenté est une excellente source d’information pour aider, qui le veut, à développer une position éclairée sur la prostitution. Aussi bien sur la position abolitionniste que sur la position « welfariste » qui souhaite améliorer les conditions dans lesquelles la prostitution est exercée, on trouvera là matière à alimenter sa réflexion.

D’entrée de jeu, MacKinnon cite les mots de Shakespeare dans Roméo et Juliette où l’apothicaire dit à Roméo : « Ma pauvreté consent ; ma volonté m’effraie. » Et Roméo de répliquer : « C’est ta pauvreté seule, ô marchand, que je paie, et non ta volonté. » Sans tomber dans le paternalisme, ces mots représentent bien l’angle avec lequel MacKinnon aborde la question de la prostitution.

Avec études à l’appui, l’auteure démontre comment la légalisation de la prostitution, contrairement à ce que l’on pourrait croire, peut même rendre sa pratique plus dangereuse encore. Dans les pays où elle est légalisée, cela a même comme impact d’augmenter la traite parce que le risque est diminué pour les trafiquants, et que ce risque ne se retrouve plus qu’à une seule étape, soit celle de faire entrer dans le pays les femmes qui sont victimes de la traite.

La question de la prostitution s’apparente en ce sens pour l’auteure à celle de l’esclavage. Avant qu’il ne soit aboli, il y avait des désaccords, mais aujourd’hui il n’y a plus aucune prise de position en sa faveur. « L’esclavage est internationalement défini comme l’exercice de pouvoirs de propriété sur une personne. » Quand les macs vendent des prostituées à des clients, sans qu’elles ne puissent refuser ou partir, on peut alors parler d’esclave sexuelle.

En outre, lorsqu’on légalise la prostitution, on favorise d’abord les prostitueurs, ceux qui exploitent la prostitution d’autrui. On leur donne un environnement avec moins de risques, il est alors plus facile pour ces personnes de faire des affaires.

MacKinnon, abolitionniste résolue, conclut pour sa part que : « Toute loi ou politique adéquate pour promouvoir les droits de la personne des prostitué·e·s comporte trois parties : décriminaliser et aider les personnes dans la prostitution, criminaliser résolument leurs acheteurs et criminaliser de façon tangible les tiers qui profitent de la prostitution d’autrui. »

Thèmes de recherche Féminisme, Livres
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