Le (dé)pistage numérique

No 74 - avril / mai 2018

Sécurité numérique

Le (dé)pistage numérique

Anne-Sophie Letellier

Saviez-vous que certains contenus et métadonnées échangés sur Gmail ainsi que sur la messagerie de Facebook sont utilisés à des fins de profilage ? Ce n’est plus un secret pour personne : nous sommes pistés sur le Web.

Si la personnalisation de l’expérience numérique peut être perçue comme un avantage évident de la collecte des données, il faut garder en tête qu’elle est l’une des industries les plus profitables – et polluante – au monde. Les recherches faites, les mots tapés, les lettres effacées, les liens cliqués, les pages visitées… toutes les informations sur nos activités en ligne sont stockées, analysées et utilisées dans le but de construire des profils d’utilisateurs et de vendre ces derniers au plus offrant. En effet, les données produites dans le cadre de nos activités de navigation, dans nos échanges privés et dans l’utilisation d’applications permettent de nous identifier et de nous comparer les uns aux autres. Plusieurs enquêtes et études récentes démontrent d’ailleurs que l’utilisation d’algorithmes dans l’analyse de données de consommateurs·trices contribue à amplifier certaines inégalités sociales et économiques au sein d’une société. Qui plus est, les processus de profilage peuvent attirer l’attention sur certaines activités militantes et déclencher des formes de surveillance plus ciblée de la part d’acteurs étatiques ou des forces de l’ordre.

Vous n’êtes pas convaincu·e de l’existence de quantité d’acteurs qui peuvent vous pister en une journée ? Téléchargez l’application Lightbeam sur votre navigateur et naviguez « normalement » pendant 24 heures. Les résultats vous surprendront sûrement.

Voici quelques trucs et astuces qui vous permettront de réduire votre empreinte dans le monde numérique.

Brancher l’extension Privacy Badger

L’installation d’extensions sur vos navigateurs est sans aucun doute l’une des actions les plus faciles et efficaces pour limiter les traces laissées en ligne : l’installation ne requiert qu’une minute et l’effet et quasi permanent. Privacy Badger est sans doute la meilleure à installer. Il s’agit d’une extension « intelligente » bloquant les cookies (fichiers textes chargés de pister vos déplacements de site web en site web) qui ne sont pas nécessaires au fonctionnement d’une page web.

Reconsidérer ses modes de communication

Au même titre qu’il y a des autos plus polluantes que d’autres, certains modes de communication laissent plus de traces que d’autres. Règle générale, les messageries commerciales gérées par les géants du numérique sont souvent les pires. Ainsi, il peut être judicieux de favoriser la communication via la messagerie chiffrée Signal au lieu d’utiliser Messenger ou les services de messagerie texte usuels. Dans le même ordre d’idées, se distancier de Gmail (qui récolte de nombreuses métadonnées lors de chaque envoi de courriel) au profit de plateformes (par exemple, Riseup) qui ne récoltent que ce qui est nécessaire à l’envoi d’un courriel est une autre bonne manière de réduire les traces laissées aux géants.

Faire le ménage de ses applications

Les applications sont extrêmement gourmandes en données et métadonnées. Elles pistent non seulement vos activités sur l’application, mais recueillent souvent beaucoup de métadonnées sur vos déplacements, potentiellement l’utilisation d’autres applications, etc. Faire un petit ménage afin de se débarrasser des applications que nous n’utilisons que rarement peut donc s’avérer bien utile. Vous voulez allez plus loin ? Tentez de faire une détox des applications les plus « datavores » (Facebook et Messenger, par exemple) ou tentez de les remplacer par des alternatives plus respectueuses de votre vie privée.

Segmenter ses activités sur le web

Les services tels que Facebook, Google, Amazon, etc., ont des politiques de confidentialité qui permettent de pister les activités des utilisateurs sur les autres onglets d’un même navigateur. Il y a une tactique toute simple pour contrer cela : utiliser différents navigateurs pour différentes activités. Par exemple, utiliser un navigateur pour aller sur Facebook, un autre pour vos comptes Google et un troisième pour faire vos recherches !

Envisager l’utilisation du navigateur Tor

L’utilisation du navigateur Tor vous permet de naviguer de manière anonyme sur le Web. En utilisant cet outil, un utilisateur peut être anonyme pour l’ensemble des sites qu’il visite. Très facile d’utilisation, le chiffrement des données de navigation entraîneront cependant un petit peu de latence dans votre rythme de navigation. Mais c’est un petit prix à payer pour demeurer anonyme !

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