Aux origines de la décroissance. Cinquante penseurs

No 74 - avril / mai 2018

Cédric Biagni, David Murray et Pierre Thiesset (dir.)

Aux origines de la décroissance. Cinquante penseurs

Xavier P.-Laberge

Cédric Biagni, David Murray et Pierre Thiesset (dir.), Aux origines de la décroissance. Cinquante penseurs, Montréal, Écosociété, 2017, 320 pages.

L’ouvrage retrace le cheminement philosophique qui donne à la décroissance sa conceptualisation actuelle. Encore vues comme radicales malgré leurs fondements solides, ces idées sont en fait plus réalistes que l’actuelle recherche d’une croissance infinie.

Au sein du mouvement de décroissance, différentes factions convergent vers un même objectif. Le raisonnement d’un de ces groupes est imprégné du marxisme et est fondé sur les dysfonctionnements de notre économie. La mouvance de ce groupe dénonce les conséquences du productivisme et de l’augmentation incessante du produit intérieur brut (PIB). Ces conséquences peuvent aller des crises économiques régulières accentuant les inégalités sociales à l’aliénation au travail lié au consumérisme grandissant. Guy Debord a magistralement expliqué les dérives du capitalisme et de son développement par ce qu’il nommait « la société du spectacle » et « la société de consommation ». Il existe aussi une frange antitechniciste du mouvement qui, tels Hannah Arendt ou Michel Henry, expose la déshumanisation qui est causée par la perte de subjectivité des individus intégrés à l’économie de production de masse. Dans le même ordre d’idées, Jacques Ellul remet en question la technicisation liée à la course à l’efficacité de notre société. André Gorz a ajouté que la société se transforme tranquillement en une énorme machine de mieux en mieux huilée et il proposait d’en sortir en « vivant mieux avec moins » et ainsi libérer du temps pour des activités sociales ou de création. Un autre courant, le plus répandu de nos jours, s’observe au sein des mouvements de défense de l’environnement. Henri David Thoreau est souvent cité comme une figure de proue de la dénonciation de l’exploitation éhontée de la nature et proposait une vie plus simple en se « contentant de moins ». Une partie des penseur·e·s de ce raisonnement pour la décroissance est qualifiée d’écoanarchiste ou d’écologiste libertaire. Léon Tolstoï, par exemple, revendiquait une réappropriation commune de la terre, de la nature et de la liberté. De son côté, Murray Bookchin proposait une réflexion sur la relation entre les humains et la nature. Pour lui, l’élimination des rapports de dominations sociales et économiques est liée à l’exploitation de la nature.

L’ouvrage sur les penseur·e·s de la décroissance en est un essentiel et est vivement conseillé pour approfondir la réflexion entamée dans ce texte. Le dogme de la croissance est aujourd’hui si ancré dans notre façon de concevoir l’économie et la politique que les livres expliquant le concept de décroissance s’avèrent indispensables. Il faut d’abord démystifier le concept de décroissance et ensuite s’attaquer aux arguments de ses pourfendeurs, car il s’agit d’une nécessité pour l’avenir des humains et de la vie sur Terre.

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