International
Face à l’austérité, la riposte s’organise
L’Union européenne a adopté une politique d’austérité qui a placé les gouvernements des pays du sud de l’Europe dans une situation de quasi-tutelle, leur imposant des coupes sauvages dans les dépenses publiques au nom de la religion du déficit zéro. Cette cure minceur pour les dépenses publiques s’accompagne d’une générosité sans fin lorsqu’il s’agit de renflouer les banques. Le résultat le plus évident en est une récession économique qui frappe durement les salariés du secteur public, les jeunes et les bénéficiaires de prestations sociales. Même le FMI commence à s’interroger sur la pertinence de telles politiques.
C’est ce qui explique l’importance et la dureté des luttes sociales qui se sont développées ces dernières années en Grèce, en Espagne et au Portugal ou en Italie. Cependant, peu importe le nombre (important) des manifestations et leur ampleur, les gouvernements font la sourde oreille et enchaînent les plans de compressions des dépenses publiques, forts de leurs convictions néolibérales, qu’ils soient de droite ou de gauche.
Au fil des plans d’austérité européens, les rues grecques, principalement à Athènes, se sont embrasées et on ne compte plus les manifestations, violemment réprimées par une police qui lorgne carrément vers le parti d’extrême droite, Aube dorée. L’ampleur de la mobilisation, partiellement relayée au parlement par le parti Syriza ne semble pas plus ébranler le gouvernement grec que ne l’ont fait les manifs étudiantes pour le gouvernement Charest.
En Espagne aussi la riposte s’organise. Le mouvement des IndignéEs a voulu instaurer une repolitisation des places publiques et dénoncer l’impuissance des politiques de même que la dégradation de la démocratie. Après avoir mis fin à l’occupation des places publiques, il s’est lancé dans une tournée nationale et les discussions s’organisent un peu partout sur le thème de Democracia real, ya ! Les syndicats appellent régulièrement à la mobilisation et une grève générale coordonnée avec le Portugal a eu lieu fin octobre, remportant un grand succès. Sans parler des velléités souverainistes en Catalogne.
Au Portugal, la mobilisation prend une ampleur inégalée depuis la période de la chute de la dictature au milieu des années 1970. Les jeunes sont aux premiers rangs des manifestations et la grogne se répand rapidement suite aux hausses éhontées des cotisations des salariéEs à la sécurité sociale, alors que la part des patrons diminue. Là aussi l’écart entre le pays réel et le pays institutionnel est flagrant.
L’adhésion de ces trois pays à l’Union européenne, à la sortie des dictatures dans les années 1970, avait entre autres pour objectif de rattraper leur retard en terme de développement économique et social par rapport aux pays plus au nord et de permettre la consolidation d’un pouvoir démocratique. Ces deux objectifs sont aujourd’hui menacés par les politiques d’austérité de l’UE. La Grèce est certainement le pays le plus engagé sur la voie d’une dérive autoritaire, mais il ne faut pas oublier que le Parti populaire de Rajoy, au pouvoir en Espagne, est l’héritier indirect de l’ancien régime franquiste.
Pour l’instant, la riposte coordonnée dans l’ensemble des pays européens contre les mesures d’austérité de l’UE semble la seule voie pour changer de politique économique et refuser la potion amère des recettes néolibérales. C’est ce qui explique que, le 14 novembre dernier, la Confédération européenne des syndicats lançait mollement un appel à une grève générale européenne de 24 heures. C’est trop peu, trop tard, et le mouvement de grève n’a été suivi que dans les pays d’Europe du Sud qui étaient déjà mobilisés (Espagne, Portugal, Grèce et Italie).
La difficulté que rencontrent les mouvements militants à trouver un écho dans le paysage politique institutionnel, ainsi que l’autisme qui semble être érigé en principe de gouvernement par l’Union européenne, font en sorte que malgré leur ampleur et leur détermination, les mobilisations n’ont pu empêcher l’adoption de plans de restructuration qui auront pour résultat plus de chômage et de pauvreté.
La partie la plus scolarisée de la jeunesse d’Europe du Sud, confrontée à des taux de chômage dignes des pays du tiers-monde (plus de 50 % de chômage chez les jeunes en Espagne), semble prendre le chemin que les jeunes du sud connaissent bien, l’émigration, avec en plus l’assurance de ne pas être condamnés à l’illégalité. C’est ce qui explique le mouvement migratoire au sein de l’UE, qui correspond à un exode des cerveaux au profit des pays les plus développés. C’est ce qui explique également l’inversion des flux migratoires entre l’Espagne et l’Amérique latine ou entre le Portugal et le Brésil ou même l’Angola.