Le logement n’est pas une marchandise

No 92 - été 2022

Éditorial du numéro 92

Le logement n’est pas une marchandise

Le Collectif de la revue À bâbord !

L’an dernier, dans son éditorial de juin 2021, le collectif d’À bâbord ! s’insurgeait contre la déplorable situation du logement. Notre éditorial décriait le manque de volonté politique pour s’attaquer de front à cette crise majeure dont les impacts sont considérables. Un an plus tard, force est de constater que la situation s’est lourdement détériorée et qu’il faut de nouveau s’indigner devant la réalité du logement au Québec et l’attentisme du gouvernement.

En une année, l’insalubrité a gagné du terrain, le prix des loyers s’est accru de manière abusive et la pénurie de logements accessibles ne s’est pas résorbée. Toutes les régions du Québec sont perturbées par cette crise et affichent parfois un taux de vacance voisin de 0 %.

De plus, le manque criant de logements sociaux force les personnes et les familles les plus vulnérables à demeurer dans le marché privé. Après des années à sous-financer Accèslogis, principal programme de développement public de logements sociaux, le gouvernement actuel de la CAQ a fait le choix de se concentrer sur le logement dit abordable, allant jusqu’à ouvrir la porte au financement de développeurs privés. Après des décennies de partenariat public-privé, il aurait dû savoir que laisser un droit fondamental dans les mains du marché privé ne fait jamais bon ménage avec les conditions de vie des collectivités. Or, ces logements dits abordables seront loin de répondre aux besoins criants des ménages locataires les plus vulnérables, pour qui un logement, serait-il légèrement en dessous de la valeur marchande, est carrément inaccessible. Transférer les maigres fonds qui servaient à bâtir du logement social aux promoteurs immobiliers qui ont provoqué cette crise et en ont profité serait proprement scandaleux.

Tout cela se passe dans un contexte d’inflation économique dans lequel les hausses de loyers se superposent à l’augmentation des coûts de l’alimentation et du transport. De plus en plus de ménages locataires doivent allouer la moitié de leurs revenus au seul logement. Cela génère des fins de mois plutôt maigres et nombreuses sont les conséquences : d’un point de vue individuel, le quotidien devient ardu ; d’un point de vue social, les communautés s’étiolent, entraînant un délitement du tissu social. Avoir un toit sur sa tête et la capacité de le payer garantit à chacun·e l’accès aux services, par exemple à l’eau ou à la scolarisation, mais assure aussi un accès aux ressources communautaires et un ancrage dans la collectivité. Un logement stable conditionne en effet notre attachement à notre territoire, ce qui pousse en retour à s’y impliquer au sens large : porter les sacs d’une voisine que nous connaissons depuis 15 ans, faire du bénévolat dans l’organisme du coin, lutter pour une cause touchant directement notre milieu de vie. Sans une stabilité sur le plan du logement, l’engagement dans nos collectivités est grandement affaibli, voire inexistant. Cette crise du logement menace donc directement la vitalité et la solidarité dans les quartiers et les communautés.

Il est temps de considérer le logement comme un droit et non comme une marchandise. Il est urgent de briser la primauté du droit du propriétaire sur le droit fondamental à pouvoir vivre dignement. Il fallait déjà lutter énergiquement pour assurer un semblant d’équité dans nos sociétés lorsque la situation économique était stable et la planète toujours viable. Dans le contexte de crise économique et écologique qui nous attend, une stabilité en matière de logement compte parmi les meilleures stratégies pour parer aux chocs. À quand un réel engagement pour socialiser la majorité du parc immobilier au Québec ? En attendant, un contrôle immédiat des loyers est requis pour faire face aux offensives des propriétaires immobiliers privés ainsi qu’aux chamboulements qui nous attendent dans les prochaines années.

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