Dossier : Côte-Nord - Nitassinan /

Présentation du dossier du numéro 92

Côte-Nord - Nitassinan / Territoires enchevêtrés

Valérie Beauchamp, Adèle Clapperton-Richard

Longer le fleuve, suivre les épinettes, remonter les rivières, marcher les tourbières, respirer la nordicité. Les vastes étendues de la Côte-Nord chamboulent, fascinent, apaisent. On les associe à l’immensité d’une nature brute, mais elles symbolisent aussi, malheureusement, des espaces accaparés, transformés, pillés. Le territoire nord-côtier fait en effet partie de ce qu’on nomme les « régions ressources », où les arbres, les cours d’eau et les sols ont été perçus comme des marchandises à exploiter, au détriment des écosystèmes et de la biodiversité, et, surtout, des gardien·nes et responsables de ces lieux, les Innus.

Car la Côte-Nord, c’est d’abord le Nitassinan, le territoire ancestral innu – littéralement notre terre en innu-aimun. Ce sont des rivières, des portages, des sentiers empruntés depuis des millénaires ; des relations et des savoirs territoriaux qui se sont développés en harmonie avec la faune et la flore boréales, et qui continuent de se transmettre.

La Côte-Nord est un territoire enchevêtré. Un territoire façonné par les interactions, autant les ententes que les rapports de pouvoir, entre les groupes allochtones et autochtones vis-à-vis l’occupation, l’utilisation et la gestion territoriales. De ces enchevêtrements naissent des relations au territoire où se tissent un enracinement, un sentiment d’appartenance. L’espace nord-côtier n’est pas homogène – on devrait même dire les espaces nord-côtiers – et pourtant il s’en dégage une certaine constance : celle d’un attachement profond, d’une fierté aussi.

Les textes qui composent ce dossier en rendent tout à fait compte. Ce sont des fragments de réalités nord-côtières actuelles, de projets et de préoccupations, où s’expriment des histoires et des émotions. Comment le territoire influence-t-il la création et l’expression artistiques ? Quel héritage laisse la colonisation, entre la dépossession territoriale, la cohabitation et les possibles solidarités ? Comment la nordicité façonne-t-elle les habitant·es et ce qu’on peut cueillir et cultiver ? Quelles difficultés entraînent la distance de cette région, par rapport aux grands centres urbains ? Quelle place occupent la culture et la langue innues ?

Ces questions ont orienté les principales thématiques abordées dans ce dossier : les relations coloniales, l’éloignement, les liens communautaires, la sauvegarde et la protection – non seulement du territoire, mais aussi celles de la culture et de la langue innues. Culture et langage qui sont, comme le montrent plusieurs des textes ici réunis, indissociables de leur ancrage territorial ancestral. Tous ces textes dépeignent les spécificités de la vie nordique. Ils montrent ce qui rend la Côte-Nord unique, ce qui rend le Nitassinan magnifique. Ce n’est pas seulement un vaste espace ; c’est un territoire vécu.

Tshima mińu-tshitapatameku - Bonne lecture.

Dossier coordonné par Adèle Clapperton-Richard et Valérie Beauchamp

Illustrations par Emilie Pedneault et photos par Raphaëlle Ainsley-Vincent

Avec des contributions de Dolorès André, Rose-Aimée Auclair, Alex Beaudin, Charlotte Bellehumeur, Myriam Boivin-Comtois, Isabelle Bouchard, Adèle Clapperton-Richard, Stéphanie Fournier, Frédérique Lévesque, Mat Michaud, Yvette Mollen, Sylvie O’Connor, Camille Robidoux-Daigneault, Marie-Hélène Rousseau et Valérie Tremblay.

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