La fabrique du neuf

No 82 - janvier 2020

Érik Orsenna et Stéphane Quéré

La fabrique du neuf

Isabelle Bouchard

Érik Orsenna et Stéphane Quéré, La fabrique du neuf, Paris, Cherche-midi, 2018, 138 p.

Si cet ouvrage était une entreprise, il gagnerait le prix mondial de la diversification des produits tant l’ouvrage embrasse large ! On a parfois l’impression d’être devant un catalogue des dernières tendances en matière de technologies et de services offerts par les nouvelles « start-ups ». Le tout nouveau tout beau a encore la cote ! Comment pourrait-il en être autrement ?

L’œuvre constitue en fait une réorganisation sélective de 24 émissions de radio qui se sont déroulées de 2014 à 2018 et dans lesquelles, plus d’une centaine d’invité·e·s ont exposé des situations mettant en évidence l’innovation, les changements et l’adaptation. Les auteurs ont choisi de les diviser en trois chapitres : Pourquoi changer ? Qui et quoi doit changer ? Comment changer ? Cette division discutable ordonne notre réflexion tant sur l’implacable logique du « progrès technologique » que sur ses conséquences.

Pourquoi changer, selon le point de vue de directeurs ou directrices, de maires, de présidents, d’associés, etc. ? Il y a consensus, il faut survivre : « Le paradoxe de ce monde d’innovations perpétuelles, c’est la prise de conscience unanime d’une urgence : il faut préserver.  » Ceux et celles qui doivent changer, ce sont les « consommacteurs » qui ne sont plus placés devant les monopoles des entreprises de gaz. La consommatrice et le consommateur (français·e ici) ont le choix et le pouvoir de combiner différentes sources d’énergie (biomasse, solaire, etc.) qu’ils et elles peuvent désormais produire. Mais là ne s’arrêtent pas leurs nouveaux pouvoirs. En effet, dorénavant ils et elles peuvent aussi innover, par exemple en construisant des objets grâce à l’utilisation d’imprimantes 3D.

Le chapitre trois de cette fabrique expose des moyens pour orienter le changement. Les auteurs ramènent des thèses naturalistes intéressantes. Pour eux, il faut changer pour imiter la nature ; l’imitation de la nature devient donc le remède au changement. L’idée consiste à transposer les lois de la nature dans le monde de l’industrie. Ainsi, l’altruisme naturel devrait forcer les organisations à se prêter des locaux, du matériel et des idées. Le tout prend des allures qui frisent parfois l’ésotérisme.

Si l’ouvrage reste une présentation impressionniste du changement, illustrée abondamment par des histoires à succès de multinationales ou de toutes petites nouvelles entreprises plus anecdotiques que réellement pertinentes, il a toutefois le mérite de nous rappeler à quel point les sociétés ont changé, changent et changeront. Il a aussi celui d’insister sur la nécessité de notre adaptation, qu’elle soit choisie ou imposée. On regrette amèrement que les points de vue de militant·e·s, de travailleuses·eurs, de syndicats et de groupes communautaires soient totalement absents de ces réflexions sur ce « branloire pérenne » de Montaigne. C’eût été une garantie d’une réflexion critique plus systémique.

 

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