« Couper les moins nantis, c’est cheap en esti. »

No 50 - été 2013

Le PQ et l’aide sociale

« Couper les moins nantis, c’est cheap en esti. »

Amélie Châteauneuf

C’est par la Gazette officielle du Québec que la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Agnès Maltais, a choisi d’informer les personnes assistées sociales de son intention de faire des coupes majeures à l’aide sociale. Pourtant, deux jours avant cette publication, elle rencontrait un groupe de défense des droits des personnes assistées sociales, mais elle n’a pas eu assez de respect pour annoncer ces compressions aux personnes directement.

Ces coupes sont violentes parce qu’elles visent des personnes qui sont déjà trop appauvries pour subvenir à leurs besoins essentiels. Dans un contexte où les banques alimentaires ne suffisent pas à répondre à la demande de plus en plus grande pour de la nourriture, c’est le droit à la vie qui est menacé par ces coupes, tel que l’a affirmé la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

À partir du 1er juin 2013, les personnes âgées de 55 à 57 ans qui font une demande d’aide sociale vont devoir survivre avec 604 $ par mois plutôt que les 733 $ auxquels elles auraient eu droit avant la réforme Maltais. Celle-ci affectera aussi de plein fouet les familles biparentales avec de jeunes enfants, dont le budget annuel sera amputé de plus de 1 550 $ à partir du 1er octobre. C’est difficile de comprendre comment des êtres humains peuvent être en faveur d’une réforme qui vient appauvrir les tout petits enfants (ceux qui sont visés ici ont en bas de cinq ans). Les personnes ayant des problèmes de toxicomanie, qui ont besoin de soins en hébergement, seront aussi affectées par les changements annoncés par la ministre Maltais.

Il ne faut pas se tromper, cette réforme touche en premier lieu les personnes exclues du marché du travail et leurs enfants dans leur capacité à se loger et à se nourrir, mais elle vise aussi l’ensemble des citoyenNEs du Québec. En effet, couper dans le revenu des personnes assistées sociales, c’est envoyer un message à l’ensemble de la population : vous devez accepter n’importe quel travail, à n’importe quelles conditions, même si cela ruine votre santé, sinon vous pouvez bien crever. C’est exactement la même logique que la réforme de l’assurance-emploi du gouvernement Harper. Après avoir annoncé ses intentions, quelle crédibilité restait-il à Agnès Maltais pour demander au fédéral de retirer sa propre réforme ?

Le marché des exclus

La question prend tout son sens quand on sait que certains organismes d’employabilité manquent déjà de place pour accueillir toutes les personnes avides de stages et de formations qui leur permettront peut-être de quitter l’aide sociale. Faut-il en comprendre que, contrairement au discours répété jusqu’à la nausée par la ministre, ces coupes de l’État ne sont pas nécessaires pour « inciter » les gens à sortir de chez eux ?

Face à ces attaques idéologiques, politiques et économiques, les personnes assistées sociales ont été d’un grand courage. Avec leurs alliées, elles ont organisé des campagnes postales, téléphoniques et de courriels ; elles ont fait signer des pétitions, tourné des vidéos de mobilisation, organisé plus de 20 manifestations, 4 occupations et une vigile de 24 heures, et tout cela en l’espace de deux mois. Les personnes assistées sociales que je voyais tous les jours dans la rue n’étaient pas nécessairement affectées directement par ces coupes, mais malgré leur combat quotidien pour se nourrir trois fois par jour, elles étaient là, en solidarité avec les autres.

Cette lutte n’est pas terminée. Elle ne fait que commencer parce que nous n’avons pas le choix. En effet, le marché du travail tel qu’il est actuellement, c’est-à-dire dans le contexte du capitalisme, exclut plusieurs personnes. Ces personnes n’ont pas accès à un emploi soit parce qu’elles l’ont perdu (leur entreprise ayant choisi de déménager ailleurs pour aller exploiter des travailleurs et travailleuses encore plus vulnérables, par exemple) ou encore parce que le marché du travail est discriminatoire (plusieurs employeurs refusent d’embaucher certaines personnes en raison de leur âge, de leur état de santé, de leur origine ethnique ou sociale, de leur rôle de parent, etc.). D’un autre côté, les élites politiques s’attaquent de plus en plus aux régimes de chômage et d’aide sociale, donc à la capacité qu’ont les personnes exclues du marché du travail de survivre. Le résultat, c’est que les banques alimentaires et les refuges ne fournissent plus. Nous sommes rendus à l’étape de l’histoire où des gens meurent de faim ou de froid dans la rue, pendant qu’Agnès Maltais leur explique qu’elle, elle va les sortir de la pauvreté à l’émission Tout le monde en parle.

Vous avez aimé cet article?
À bâbord! vit grâce au soutien de ses lectrices et lecteurs.
Partager sur        

Articlessur le même thème