Ce que Gaza nous révèle de l’occupation israélienne

No 28 - février / mars 2009

Éditorial du no. 28

Ce que Gaza nous révèle de l’occupation israélienne

Le Collectif de la revue À bâbord !

Pour la plupart des grands médias occidentaux, la cause est entendue : en mettant un terme à la trève signée en juin dernier, le Hamas aurait été le principal instigateur de la guerre qui a affligé les populations de Gaza, enclave palestinienne que l’expansionnisme israélien réduit à l’état de dénuement absolu. Pour d’autres, le facteur explicatif se trouverait dans le contexte israélien caractérisé par les élections prévues pour février : les différentes factions israéliennes feraient de la surenchère guerrière, en agitant le spectre de l’insécurité relativement aux roquettes du Hamas.

Toutefois, les causes de cette guerre sont plus profondes et relèvent d’abord de la logique colonialiste caractérisant ce conflit. Si Israël a su apporter à une majorité de ses citoyens la démocratie politique et une réussite économique et culturelle (grâce aussi à une aide états-unienne massive), il a institué sur les différents territoires qu’il domine une forme d’apartheid : enfermement des populations dominées, contrôle de leurs ressources matérielles, destruction progressive de leurs établissements et violence meurtrière contre leurs actions de résistance.

Pourtant, la nation palestinienne est un fait irréductible et le droit à un État palestinien est inaliénable. Malgré les divisions, la nation palestinienne ne peut se protéger qu’en résistant et en entretenant l’espoir de sa réunification. Et pour instaurer une paix juste et durable, il faut mettre fin à l’occupation israélienne et respecter les droits fondamentaux du peuple palestinien reconnus par les Nations unies à travers une série de résolutions ignorées par Israël.

On ne répètera jamais assez que les roquettes du Hamas sont tributaires du siège israélien et de deux ans de famine. Les médicaments et les aliments de première nécessité répondant aux besoins essentiels de la population palestinienne n’entrent qu’au compte-gouttes. Les agences onusiennes chargées d’acheminer l’aide étrangère – au demeurant fortement réduite – ont été étranglées par le blocus israélien. Ce sont donc des camps de concentration que nous décrivent les témoignages locaux et il ne faut pas alors s’étonner de la disponibilité de ces populations pour les solutions les plus radicales.

L’aveuglement caractérise l’approche des grandes puissances mondiales face à cette situation. Cette myopie est à l’origine des condamnations du gouvernement du Hamas au lendemain de son élection. Faut-il rappeler que toutes les entraves faites aux tentatives de l’Autorité palestinienne pour réaliser les conditions d’une paix juste sont davantage responsables de la radicalisation des électeurs palestiniens que les dérives et les erreurs internes des diverses tendances palestiniennes ? Il est injuste de punir le peuple palestinien sous le prétexte de sanctionner le Hamas.

Nous affirmons notre préférence pour des courants idéologiquement proches de nous, tout en respectant les choix des électeurs palestiniens. Il faut encourager le débat public au sein du peuple palestinien et refuser cette vision occidentale qui décrète que les peuples « arabes » ne sont pas dignes de la démocratie (seraient-ils des sous-hommes, selon l’expression antisémite nazie Untenmensch ?).

Il faut impérativement reprendre les slogans de la société civile québécoise en faveur de la « paix », de la levée du blocus contre les populations de Gaza et du respect des principes fondamentaux du droit international en matière humanitaire. Il faut aussi dénoncer la lâcheté de notre classe politique qui apporte, par la voix de Lawrence Cannon, un soutien inconditionnel à l’État israélien. Il faut d’ailleurs remarquer que rien ne laisse présager que le chef de l’opposition libérale, Michael Ignatieff – dont on connaît les positions, exprimées en 2003, en faveur de l’invasion de l’Irak et les justifications philosophiques de l’usage de la torture – se démarquera de la politique conservatrice actuelle.

Face à ces dirigeants sans jugement et sans mémoire, n’est-il pas justifié de s’indigner ? De les rappeler à la vérité et à la justice ? Il faut pour cela que l’opinion internationale et les Nations unies fassent connaître leur réprobation et adoptent les sanctions requises contre Israël. Il faut que le peuple palestinien, toujours frustré de ses sacrifices et de sa patience, voit son droit à l’existence reconnu dans les faits. Il faut qu’en Israël même, les forces de paix et de réconciliation, qui résistent à l’engrenage mortifère et refusent d’être complices de l’impérialisme et du terrorisme d’État, reprennent courage et se manifestent. Il faut que leurs efforts soient assurés de la solidarité, de l’admiration et du soutien des démocrates du monde entier. Toute neutralité serait coupable.

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