Les origines de l’algèbre

No 77 - déc. 2018 / janv. 2019

Jeux mathématiques

Les origines de l’algèbre

Yannick Delbecque

Au Moyen Âge, au fil de son expansion, le monde musulman est entré en contact avec l’ancienne culture grecque et avec la culture indienne. L’accès à des connaissances nouvelles, que ce soit dans les domaines de l’astronomie ou de la médecine, tombait à point dans le contexte où les besoins s’étaient multipliés avec l’expansion rapide du territoire. Le Calife fit créer des « maisons de la sagesse » où on traduisait et étudiait plusieurs écrits grecs et indiens en langue arabe – souvent des manuscrits disséminés dans l’ancien empire d’Alexandre le Grand.

C’est à cette époque qu’Al-Khawarizmi, savant œuvrant à la maison de la sagesse de Bagdad, publie plusieurs textes mathématiques importants(dont le premier décrivant le système de numération en base 10 utilisant le chiffre « 0 » inspiré des écrits mathématiques indiens), un traité d’astronomie aussi basé sur les écrits indiens (plutôt que sur le classique Almageste de Ptolémée, alors la référence astronomique standard depuis le 2e siècle), des traités sur les calendriers et plusieurs autres écrits significatifs. Mais son ouvrage le plus influant est sans aucun doute son Hisab al-jabr w’al-muqabala, dont le titre seul nous a donné un terme mathématique important : algèbre, dérivé d’al-jabr. Ce traité est celui où on discute pour la première fois de méthodes systématiques de résolution d’équations – le premier traité d’algèbre. Cependant, on n’y retrouve pas les équations qui viennent à l’esprit de toute personne contemporaine ayant déjà… subi l’enseignement de l’algèbre. En effet, l’algèbre arabe est purement rhétorique : tout est écrit en phrases et la méthode algébrique y est décrite par une combinaison de texte et de figures géométriques.

Al-Khawarizmi résout des équations qu’il exprime en référant à une quantité inconnue appelée « racine » ainsi qu’au carré de cette inconnue. Il représente géométriquement la racine par le côté d’un carré et le carré par… un carré. De plus, il est important de savoir que seules les solutions positives, ayant un sens géométrique, sont acceptées.

Exemple : « Un carré et dix racines égalent trente-neuf » s’exprimerait aujourd’hui sous la forme x2+10x =39.

La solution d’Al-Khawarizmi consiste à commencer avec le carré de côté inconnu x, donc d’aire x2.

On prend ensuite la quantité 10x et on la divise en deux parties égales correspondantes à chacun des deux rectangles d’aire 5x. On ajoute ces deux rectangles au carré initial. L’aire totale à cette étape est x2+5x+5x = x2+10x.

On complète enfin la figure obtenue pour avoir un carré : il faut ajouter un petit carré de côté 5 et d’aire 25.

Comme x2+10x = 39, on doit avoir, en ajoutant l’aire 25 du dernier petit carré ajouté, que l’aire du grand carré obtenu est x2+10x+25 = 39+25, c’est-à-dire x2+10x+25 = 64. Le côté du grand carré est donc 8, car 82 = 64. Comme le côté du grand carré est la racine plus 5, la racine recherchée est 3. Notez que j’ai un peu utilisé la notation moderne pour simplifier la lecture. La solution originale est décrite uniquement par un long texte.

Pouvez vous résoudre ces problèmes algébriques à l’aide de la méthode Al-Khawarizmi ?
Problème 1« Un carré et cinq racines égale quinze »
Problème 2« Un carré et deux racines égale trois »

Thèmes de recherche Moyen-Orient, Histoire
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