La nécessité d’exporter ?

No 11 - oct. / nov. 2005

Chronique économie

La nécessité d’exporter ?

par Gaétan Breton

Gaétan Breton

La production québécoise, toutes catégories confondues, est exportée à plus de 60 %, ce qui implique qu’il ne s’agit plus de nos surplus de productivité, mais de notre productivité elle-même que nous exportons.

En corollaire, nous ne sommes plus autosuffisants au niveau alimentaire, par exemple. Nous devons importer une grande partie de ce que nous mangeons, et ce, largement parce que les espaces productifs sont utilisés pour des productions d’exportation qui sont souvent extrêmement polluantes. Plus encore, il est maintenant très mal vu de parler d’autosuffisance alimentaire, ou dans quelque autre domaine que ce soit. Les gourous qui influencent la pensée économique internationale ont décidé, il y a déjà un certain temps, que chaque pays devait se spécialiser, tout comme les entreprises, produisant ainsi au moindre coût possible quelques produits qu’ils échangeraient ensuite contre ceux qui leur manque et qui seraient produits ailleurs.

Une des conséquences de cette vision est la ronde incessante des produits autour de la planète, produisant des gaz à effet de serre, gaspillant des carburants fossiles et générant de la pollution à plusieurs niveaux, ne serait-ce que par tous les systèmes d’emballage de conservation ou de réfrigération qu’il faut mettre en place pour en arriver là. Or, tout est mis en place pour que les exportations du secteur agro-alimentaire augmentent.

L’Association des manufacturiers et exportateurs du Québec s’inquiète du fait que dernièrement, notre balance commerciale soit devenue déficitaire, c’est-à-dire que nous importons plus que nous exportons (« fait » qui est d’ailleurs contredit par d’autres chiffres affirmant le contraire (Le Droit, 13 août 2005). L’Association croit fortement que la prospérité implique que nous exportions plus que nous importons. Cependant, une telle logique condamne une grande partie des pays à la pauvreté, puisque les exportations des uns sont les importations des autres, ce qui en fait un jeu à somme nulle. Donc, il est clair que tous ne peuvent pas, en même temps, avoir une balance commerciale positive. Pour une balance positive, on doit en avoir une autre négative. Asseoir la prospérité sur l’excédent des exportations sur les importations, c’est privilégier un système qui mène directement à l’exploitation d’une série de pays sur les autres, ce qui est la situation actuelle. Proposer cet idéal aux pays d’Afrique constitue une fraude intellectuelle incroyable et participe à l’appauvrissement constant de ces pays (car, par exemple, les devises reçues par les exportations sont utilisées immédiatement pour rembourser les intérêts de la dette).

Si vous demandez aux manufacturiers ce qu’il faut faire alors, ils vous diront qu’il faut développer les marchés et rendre les entreprises compétitives pour vendre moins cher. La première partie de ce programme est placée sous la responsabilité des États. Les capitalistes veulent libéraliser les marchés, selon leur vocabulaire, mais évidemment, ce sont les États qui doivent intervenir. Les États-Unis, qui ne cessent de se gargariser avec le vocabulaire néolibéral (marché, concurrence, libéralisation), sont les champions des protectionnistes pour défendre leurs marchés intérieurs et cela en contravention avec les accords qu’ils ont signés. De la viande bovine au bois d’œuvre, le Canada se fait ridiculiser par les Étatsuniens qui refusent, après 5 jugements, de laisser entrer le bois d’œuvre canadien.

La seconde partie du programme implique évidemment des baisses de salaires, une déspécialisation de la main-d’œuvre ainsi qu’une diminution de la règlementation dans tous les domaines. Autrement dit, le bonheur économique et la prospérité collective passent par une diminution des revenus des citoyens-travailleurs tout en ne baissant pas leurs taxes, car on en a besoin pour financer les voyages de Team-Canada ou de Team-Québec. Depuis plus d’une décennie que ce discours est devenu omniprésent, on dirait que les problèmes n’ont fait que s’amplifier. C’est la même situation que lorsqu’on nous dit qu’il faut diminuer les services publics pour balancer le budget. Depuis tout ce temps qu’on se serre la ceinture, on ne semble pas avoir avancé d’un cran.

De nombreux environnementalistes commencent à se rendre compte qu’il va falloir revenir à une certaine autarcie dans bien des domaines, dont celui de l’agro-alimentaire notamment. Nous devons modérer nos transports et pour ce faire, nous devrons accepter que notre nourriture soit moins exotique mais plus conforme aux exigences du développement viable et des actions qu’il faut prendre pour sauver notre environnement.

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