Dossier - Queer : une révolution flamboyante
Analtochtone
Traduit par Arianne Des Rochers
« Le péteux est un péché mortel en français. Père LaFleur me l’a dit une fois au confessionnal. »
— Tomson Highway, Kiss of the Fur Queen [1]
quand le gouvernement fédéral
a conquis peguis en signant le traité 1
il nous a placé·es dans une dépression
concave, comme un verre de contact
enfermé·es dans le marécage
masse de terre spongieuse
trop lourde pour retenir les corps
saturée de post[inf]érieurs dès lors
la baie d’hudson est allée chercher l’aide fédérale
pour construire un barrage le long de la fisher
là où les sifflements et les promesses vides et les nageoires
brisent la crête des vagues
se prélassant au soleil
ils ont pris nos terres
en ont fait une base militaire
les casernes de kapyong à winnipeg
la baie d’hudson a même joké qu’elle nous remettrait
toustes là si jamais ils nous les donnaient back
ville fantôme militaristique de l’autre côté de l’horizon
comme une maison hantée affamée
spectres rouges, polter[zeit]geist ndn
ça garde les jeunes à kapyong ;
« un potentiel immobilier exceptionnel » disaient les katz
« pas un endroit pour une réserve urbaine »
même si tout winnipeg-nord
grouille de décimation, de notre décompo —
situation qu’il vaut mieux ignorer
les nicimosak veulent tous me snagger
comme un pogneur de cul, le feu au cul
exigent : « bleache-toi et douche-toi
le cul si tu veux que j’te baise »
ne veulent pas de la honte de se retirer
et de trouver une pépite sur leur bite
analité de fourrure d’hermine
je fouine au fond d’un wendigo
belette une selle je lionise
c’est-tu pas un genre d’excavation ?
à quel point il faut s’annuler soi-même
pour demander ça à un ndn ?
de sortir ma peau brune de ses marais
de purger un trou de ver, une galaxie
des torts entreposés et sauvegardés ?
je me demande si la marde est une sorte de mécanisme de défense ?
j’ai vu sikâk faire fuir une bite ou deux
loin des colonies au pourtour de l’orifice
je me demande si les excréments sont aussi une médecine ?
ça fait sortir le viral des yeux
je chasse pas les moustiques, je les chicane
un manteau de piqûres de punaises de lit
se doucher chaque semaine, voire chaque jour
revient à désinfecter l’archive de mes intestins
but whenever que j’entends infecter, j’entends envahir
j’ai eu des poux une ou deux fois dans ma vie ;
faque, même mon cul a besoin d’être blanchi maintenant ?
d’avoir l’air d’un beignet saupoudré de sucre glace
pogné là comme des algues dans un filet de pêche ?
« c’est drôle, j’ai dit, ma mère blague
que j’ai des banniques à la place des fesses,
c’est-tu pas un type de pâtisserie ça aussi ? »
peguis est devenu un marécage
un bourbier naturel pour le ruissellement des coloneux
des fugitifs se sauvent des villes
après s’être fait brasser les entrailles
pour leur avoir trop fait confiance —
peut-être que c’est le cas de le dire :
started from the bottom
juste pour finir at the bottom, à regarder vers le haut
l’eau souillée de mercure
réserve de minéralisation
puits de carcasses, puits de cosmos
plage de pourritures résurgentes ;
si la langue est un épiderme
la marde est-elle une théorie
traînée dans la boue du can[y]on ?
un genre de toile d’araignée spongieuse
élastique comme un bandeau à cheveux
ou un continuum, une parallaxe
un ruban de möbius
une théorie des cordes supersymétriques
ou encore un changement de dimension
une porte, un portail, relativité
je suis analtochtone
ma pickup line ces jours-ci est un jeu de mots barthésien :
« parler d’amour revient à confronter la boue du langage »
je me demande si sakihitin est un type de repli
entre deux muscles —
l’amour est parfois un triomphe
traîné dans la saleté
alors pour l’amour de dieu, je te prie de me baiser le cul
avant de me faire saigner et saigner et saigner.
[1] Traduction libre.