Éditorial du numéro 104
Lutter contre les reculs imposés par la CAQ
Depuis quelques mois, les projets de loi rétrogrades s’empilent sur les bureaux des députés de l’Assemblée nationale : les PL68, PL69, PL89, PL93, PL94, PL98, PL101 ne sont que des exemples de textes contenant une pléiade d’attaques sur des acquis de longue date en matière de conditions de travail, de droit de grève et d’association, de liberté d’expression, de protection de l’environnement et des ressources naturelles et de système de santé public.
Par exemple, dans le projet de loi 89, « visant à considérer davantage les besoins de la population en cas de grève et de lock-out », on limite le droit de grève au nom de la protection du bien-être des enfants lors de conflits de travail. Dans le PL93, « concernant notamment le transfert de propriété d’un immeuble de la Ville de Blainville », on autorise une entreprise privée à entreposer ses déchets toxiques en faisant fi de rapports environnementaux, au nom de l’« intérêt », voire de la sécurité nationale. Ou encore, sous le prétexte d’une « gouvernance responsable des ressources énergétiques » (PL69), on envisage une production fortement accentuée d’énergie, au détriment de l’environnement, et une privatisation partielle d’Hydro-Québec.
Le gouvernement Legault, adepte de lois tout sauf progressistes, n’est pas enclin d’autre part à encourager les discussions. On le voit notamment par les difficultés vécues dans les secteurs de la culture, du communautaire et des médias alternatifs – incluant des organisations connues pour dénoncer, critiquer et résister –, tous en crise faute de financement adéquat. Ce traitement dont ils sont victimes contribue à éliminer les voix discordantes et dérangeantes qu’elles représentent.
Tout comme le manque de financement, l’adoption de cadres réglementaires liberticides sous le coup du bâillon ou par le biais de l’utilisation de clauses dérogatoires dépeint le peu de respect pour le débat, l’opposition et les institutions démocratiques du gouvernement actuel.
Le tout n’est pas sans rappeler ce qui se passe chez nos voisins du Sud, mais aussi ailleurs dans le monde, alors que la droite laisse place à l’extrême droite, à un autoritarisme de plus en plus appuyé, avec ce qui en découle : un discours rétrograde assumé, une rhétorique et des pratiques antidémocratiques, l’ostracisation de pans entiers de la population, les atteintes aux droits et libertés, les politiques favorisant les intérêts privés au détriment des programmes et enjeux collectifs ainsi que le mépris de ceux qui contestent et résistent.
Certes, la CAQ ne va pas aussi loin que ces partis extrémistes. Mais elle s’alimente de tendances inquiétantes. À défaut d’y adhérer pleinement, elle profite d’un air du temps réactionnaire. Plusieurs des éléments normatifs mis de l’avant par ce parti constituent bel et bien une offensive sur des gains durement acquis. Ne nous méprenons pas : la CAQ sent la fin de son règne et tente d’abattre le plus de travail possible pour démanteler des droits et avantages arrachés au prix de luttes laborieuses. Ne nous laissons pas submerger par la quantité abondante de la réglementation qui déferle, mais organisons-nous, dénonçons les pratiques antidémocratiques au service du secteur privé, du patronat et d’intérêts réduits. Démontrons, au sein de nos organisations, toute la solidarité dont nous sommes capables. Nous n’avons ni la place ni le temps pour l’apathie !