Où sont les données probantes démontrant le « succès » du Centre de service scolaire Marguerite-Bourgeoys ?

14 décembre 2022

Éducation

Où sont les données probantes démontrant le « succès » du Centre de service scolaire Marguerite-Bourgeoys ?

Pierre Avignon

Dans sa chronique du 3 novembre dernier intitulée « Un exemple inspirant », Normand Baillargeon donnait la parole au directeur général du Centre de service scolaire Marguerite-Bourgeoys (CCSMB) dont l’institution a le plus haut taux de diplomation au Québec dans le secteur public. Il se trouve qu’en faisant cela monsieur Baillargeon répondait indirectement à ses détracteurs qui, toujours dans les pages du Devoir (« Entre recherche en éducation et château de cartes »), avaient critiqué de manière virulente la préférence du chroniqueur pour l’approche dite « des données probantes ». Monsieur Bertrand, le directeur de la CSSMB, est lui aussi un « adepte des données probantes ».

Si actuellement le taux de diplomation au secondaire est indéniablement plus élevé au CSSMB que dans les autres centres de services, cela ne suffit pas à démontrer un lien de causalité entre le « virage pédagogique » de l’école efficace et ses résultats. Pour le mesurer, il serait nécessaire de pouvoir comparer les taux de réussite des centres de services scolaire en fonction des caractéristiques des élèves dont la scolarité et le revenu des parents. Dans le cas du malheureux palmarès de réussite des cégeps, l’ajout de simples facteurs notamment la moyenne générale au secondaire, a fait chuter certains collèges du 1er au 30e rang. 

En l’absence d’une telle étude, il nous est impossible de remettre en cause hors de tous doutes les prétentions à la supériorité du modèle de la CSSMB. Cependant, nous avons suffisamment d’information pour allumer plusieurs lumières rouges. Tout d’abord, comme indiqué dans les rapports annuels du CSSMB, si les taux de diplomation après sept ans au secondaire ont bien augmenté de 12 points de pourcentage entre 2010 et 2021 à Marguerite-Bourgeoys, il a également augmenté de 10 points de pourcentage dans l’ensemble du réseau public. L’écart initial était donc de 8, il est maintenant de 10. On peut donc dire qu’il est certainement plus facile de gagner une course lorsque l’on part avant les autres… Les stratégies invoquées ne peuvent donc à elles seules expliquer pourquoi le CSSMB se démarque, car la différence était présente avant l’implantation des mesures.

Monsieur Baillargeon nous indique par la suite qu’il ne faut pas croire que ce « succès » tient au fait que le CSSMB sert une population privilégiée. On fournit alors au lecteur plusieurs chiffres sur ce centre de services, mais sans le comparer aux autres, ce qui empêche ainsi toute possibilité de savoir s’il s’agit d’une population scolaire plus ou moins défavorisée que les autres. Sans compter que l’indicateur d’école en milieu défavorisé permet de manière imprécise de connaître le milieu familial des élèves car il se base sur les caractéristiques de la population du quartier. Sans comparaison possible à partir de données précises, difficiles de tirer des conclusions solides. Le chroniqueur poursuit en indiquant que «  65 % des élèves n’ont pas le français comme langue maternelle », ce qui serait un argument pour démontrer les défis pour les amener à la réussite. Cette affirmation sème également le doute sachant que les enfants d’immigrants de deuxième génération réussissent mieux que les non-immigrants. 

Pour conclure, ajoutons ceci : entre 2016 et 2021 les effectifs au secondaire ont augmenté d’un peu plus de 15 % dans l’ensemble du CSSMB, l’augmentation a été de plus de 50 % dans l’école secondaire Paul-Gerin Lajoie d’Outremont, une institution avec projet sélectif dont un programme de douance ! 

Les voyants sont donc au rouge. Ne mettons donc pas tous nos œufs dans le même panier de la stratégie proposée. Nuançons certaines prescriptions pédagogiques oui, mais nuançons également l’effet du facteur pédagogique sur les parcours scolaires. 

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