Pourquoi les femmes ont une meilleure vie sexuelle sous le socialisme

No 87 - mars 2021

Kristen Ghodsee

Pourquoi les femmes ont une meilleure vie sexuelle sous le socialisme

Eve-Marie Lacasse

Kristen Ghodsee, Pourquoi les femmes ont une meilleure vie sexuelle sous le socialisme, Montréal, Lux Éditeur, 2020, 288 pages.

Traduit de l’anglais par Charlotte Nordmann et Laura Raim.

L’auteure, une anthropologue américaine qui s’intéresse à la transition du socialisme d’État vers le capitalisme en Europe de l’Est, développe la thèse suivante : les pays socialistes de cette région ont favorisé l’indépendance économique des femmes avec plusieurs infrastructures et mesures sociales, permettant que leurs relations intimes soient moins contraintes par des considérations économiques. La chute du mur de Berlin a sonné le glas de cette relative indépendance, la logique capitaliste rasant tout sur son passage et détruisant ces « acquis ».

Ghodsee nous explique comment le système capitaliste impose aux femmes d’être les responsables des soins dans la société. Cette logique aurait été écartée sous les régimes socialistes est-européens, le marché du travail étant organisé de manière à permettre aux femmes d’assurer à la fois leur rôle de travailleuse, leur rôle de mère et leur rôle de pourvoyeuse de soins.

Ghodsee passe ainsi en revue certaines expériences socialistes d’Europe de l’Est en s’attardant à la condition des femmes. L’auteure nous entretient longuement des mesures mises de l’avant afin que les femmes intègrent le marché du travail socialiste – comme les systèmes de garderie et les assurances santé – ainsi que des comportements sexuels des femmes pendant cette période et après la chute du mur de Berlin. Nous croisons aussi certaines figures historiques du féminisme du 20e siècle, comme Alexandra Kollontaï.

Quel est le lien entre l’indépendance économique des femmes et leur vie sexuelle ? Ghodsee avance que dans les sociétés socialistes est-européennes, les besoins économiques des femmes étant mieux remplis, elles n’ont plus besoin de choisir un compagnon en fonction de ses moyens économiques. L’amour et l’attirance mutuelle seraient favorisés et les rapports sexuels seraient plus égalitaires.

En détaillant les politiques de cette région du monde à une certaine époque, démontrant que les femmes étaient plus indépendantes et « avaient une meilleure vie sexuelle sous le socialisme  », Ghodsee propose surtout un contre-discours afin que les femmes américaines s’intéressent au socialisme et se détournent des discours anti-communistes et opposés à l’intervention de l’État.

Cet essai au titre qui attire l’œil est certes intéressant, mais on reste sur sa faim en le refermant. Là où l’essai de Ghodsee est plus faible, c’est dans son quasi-silence sur autre chose que les conditions économiques des femmes, et son manque de critique de la notion de « marché du travail ». Les conditions de vie des femmes ne pourraient être améliorées que par des interventions sociales et économiques visant leur entrée sur le marché du travail : c’est ce que sous-tend la thèse de l’auteure. Surtout, Ghodsee traite peu de la division sexuelle et raciale du travail, qui existe partout, peu importe le système politique et économique dans lequel on se retrouve. Dans son empressement à convaincre ses comparses américaines à voter pour les démocrates de Joe Biden, l’auteure tourne parfois les coins ronds et idéalise un tantinet les expériences socialistes et celles des pays scandinaves, auxquels elle fait abondamment référence.

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