Voir le monde sous un chapeau

No 64 - avril / mai 2016

Carl Bergeron

Voir le monde sous un chapeau

Une nouvelle variété : la droite dandy

Voir le monde sous un chapeau, Carl Bergeron, Montréal, Boréal, 2016.

Plus rien n’est simple de nos jours. Il n’y pas si longtemps encore la droite existait essen­tiellement sous la forme du bon vieux conser­vatisme, économique, fiscal, accompagné parfois d’un mora­lisme plus ou moins prononcé : frugalité plus mœurs vertu­euses. Ça s’est compliqué au cours des dernières années avec l’émergence de nouveaux courants : libertariens, identitaires, nouveaux libéraux, tous plus ou moins adversaires les uns des autres, mais unis toutefois dans leur refus, sinon la haine, de la gauche.

Tout cela manquait un peu de piquant et témoi­gnait d’un grand esprit de sérieux. Mais voilà que vient de surgir une nouvelle varié­té, assez inatten­due à vrai dire : la droite dandy dont Carl Bergeron se fait l’apo­logiste dans un livre publié récemment, Voir le monde sous un chapeau (Boréal, 2016). Ouvrage singulier, sans désignation générique, qui se présente comme un essai masqué sous la forme d’un faux journal tenu sur un an au cours des dernières années.

L’auteur appartient à la génération montante. Il se définit plus ou moins explicitement comme le fils spirituel des cyniques de la géné­ration précédente  : Denys Arcand, Jean Larose, François Ricard, contempteurs chacun à leur manière des baby-boomers lyriques, et le compagnon de route privi­légié de Mathieu Bock-Côté, qui serait également un héritier de ces intellectuels dans son rapport à la culture, à une certaine France (gaullienne) et à la nation.

Confus sur le plan idéologique, ami des natio­nalistes conservateurs, collaborateur de la revue Argument, réticent face à la droite économique et morale, hostile bien sûr à la gauche, Bergeron se définit comme « aristocrate » et « patriote désenchanté », et par suite dandy. Cette posture est fondée dans son cas sur une haute estime de soi, un égotisme forcené, qui n’a d’équivalent que le mépris qu’il éprouve ­pour autrui, à commencer pour son peuple ignorant et grossier dont son propre milieu parental constitué essentiellement de ploucs et d’arriérés s’offre comme un modèle réduit. Pour sa part, il aurait eu la force et la chance d’échapper à cet univers marqué par une honte et une culpabilité ataviques débilitantes et mortifères, de vaincre ce qu’il appelle pompeusement l’Épreuve.

C’est le récit de cette « libération » que donne à lire son curieux livre, que l’on peut considérer comme une bizarrerie qui se démar­que par ses excès et ses provocations dans le vivier en ébullition de la nouvelle droite qui a tout de même en commun avec l’ancienne de défendre l’ordre établi des puissants et riches en tous genres.

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