Luttes XXX, Inspirations du mouvement des travailleuses du sexe

No 45 - été 2012

Maria Nengeh Mensah, Claire Thiboutot et Louise Toupin

Luttes XXX, Inspirations du mouvement des travailleuses du sexe

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Luttes XXX, Inspirations du mouvement des travailleuses du sexe, Maria Nengeh Mensah, Claire Thiboutot et Louise Toupin, Éditions Remue-Ménage, 2011, 455 p.

Merci aux trois responsables de cette publication ainsi qu’aux éditions Remue-Ménage pour avoir mené à bien ce formidable projet d’anthologie de textes sur le travail du sexe- en français- ce qui n’avait jamais été fait auparavant.

Ce livre massif est un recueil de textes écrits pour et par des travailleuses du sexe originaires de tous les continents. À travers les huit chapitres -s’organiser, travailler, bâtir des alliances, se raconter, décriminaliser, agir face au Sida, migrer et se représenter- émergent les paroles et les luttes de ces femmes, travailleuses du sexe ET actrices sociales et politiques, militantes, organisatrices d’un mouvement fort, aussi bien au niveau local qu’international, pour la reconnaissance de leurs droits.

Au Canada, le débat sur la prostitution revient à l’ordre du jour en raison de deux jugements rendus par la cour d’appel de l’Ontario invalidant certains articles qui criminalisent la plupart des aspects de la prostitution, sous prétexte que « ces lois, prises individuellement ou dans leur ensemble, forcent les prostituées à choisir entre leur liberté et leur droit à la sécurité tel que garanti par la Charte ». À un moment où on entend tout et son contraire à ce propos sur les tribunes publiques, un tel livre est plus que jamais nécessaire puisqu’il transmet la parole de celles qui sont en premier lieu concernées par ces décisions et l’impact direct qu’elles ont sur leurs vies.

Lors du lancement de l’ouvrage, deux femmes ont interprété un texte de Grisélidis Réal, prostituée et écrivaine : « Se prostituer est un acte révolutionnaire ». En voici un extrait, pour vous faire partager l’émotion et la puissance de ce moment.

(...)
Chacun à sa place-
L’ouvrier à l’usine, l’épouse au foyer et les Putes au trottoir, étincelantes et scintillantes comme les joyaux de la nuit-

Nous les grandes Artistes de l’amour, nous ne vous faisons pas de mal.

Si vous nous en voulez aussi férocement, c’est que nous remettons en question tout votre engrenage d’exploitation meurtrière.

Nous refusons la guerre…

Nous préférons l’AMOUR.

Nous refusons la servitude des usines et des bureaux, du mariage, des patrons et de l’État.

Nous sommes LIBRES, malgré vos interdits et vos brimades. Libres d’être là, ou ailleurs, ou nulle part – libres de nos corps – libres de notre argent – libres de notre temps- libres de notre espace – libres de nos gestes et de nos paroles –


Je me PROSTITUE-

Pour ma liberté présente et future-

Pour que ma vie explose dans un chatoiement périssable et superbe, -

Je ne veux pas de vos attaches, de vos pièges, de vos chantages, de vos contrats et de vos aumônes –

Je veux me lever et me coucher quand je veux –

Je veux vous faire bander QUAND JE VEUX –

Vous éjaculerez quand je veux –

Et vous me paierez –

Le plaisir que je donne est très cher – Je suis votre Maitresse- Courtisane –

Et vous êtes mes valets –

Je revendique ma prostitution comme une DÉLINQUANCE –

Pour mieux cracher à la gueule de vos lois – de vos prisons – de vos asiles- de vos écoles- de vos casernes-


Sur vos masturbations chimiques et électroniques, vos armes, vos uniformes et vos ordinateurs.

Carnet de bal d’une courtisane, 1977

Thèmes de recherche Féminisme, Mémoire des luttes, Livres
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