Le Club Med : le miroir aux alouettes ?

No 51 - oct. / nov. 2013

Travail

Le Club Med : le miroir aux alouettes ?

Léa Fontaine

Attiré.e.s par des lieux de travail magnifiques, voire paradisiaques, un peu partout à travers le monde, bon nombre de jeunes et de moins jeunes se lancent à corps perdu dans la profession de GO (gentils organisateurs) au service des GM (gentils membres). Mais dès que l’on s’intéresse un peu aux GO, que l’on soulève délicatement le voile et qu’on accède à quelques documents, la réalité apparaît beaucoup moins idyllique…

Accès aux informations financières et institutionnelles

Est-ce passager ou non, mais toujours est-il que le site Internet consacré aux informations financières et institutionnelles dont le lien figure sur le site du Club Med pour les voyageurs est hors d’usage. Il est difficile dans un tel cas d’évaluer la situation de l’entreprise. En googlant un site Internet « corporate » sur la situation de l’entreprise et en glanant des données par-ci par-là, on apprend que le Club Med a connu quelques difficultés financières il y a peu de temps et a opté notamment pour la réduction de sa masse salariale. Aussi, il a choisi de lancer un projet d’offre publique d’achat (OPA) qualifiée d’« amicale » (?) avec ses deux principaux actionnaires, AXA Private Equity (un groupe européen) et Fosun (un conglomérat chinois). En raison de recours exercés en justice, l’autorité des marchés financiers bloque aujourd’hui encore l’OPA. Signalons par ailleurs que le Club Med possède actuellement plus de 70 endroits, appelés villages, villas ou bateaux sur plusieurs continents. L’entreprise est clairement spécialisée dans le tout inclus de gamme supérieure, relativement onéreux.

Des conditions de travail attrayantes

Travailler et habiter aux Caraïbes par exemple, sous le soleil, au bord de mer ; travailler six jours par semaine pour un salaire mensuel de 800 $ CAN, nourri, logé, voilà les conditions de travail que se font offrir les candidats à l’emploi. Selon plusieurs témoignages, les travailleur·euse·s choisissent cet emploi pour plusieurs raisons : emploi du temps de 6 h à 8 h par jour ; possibilité de participer tout à fait gratuitement à toutes les activités offertes aux GM, des cours de tennis à la planche à voile, en passant par le tai-chi ou encore la plongée sous-marine ; possibilité de perfectionner les langues étrangères, etc. Pour ainsi dire, le Club Med vend un travail de rêve.

Derrière le voile…

Si le salaire mensuel annoncé au départ est de 800 $ CAN, celui-ci est toutefois amputé de 75 $. Aucun des travailleurs interrogés n’a pu expliquer la disparition des 75 $ CAN. Mais la surprise la plus saisissante concerne l’horaire de travail, ou plutôt l’existence d’un double emploi du temps ; l’étonnement ne tient pas tant à l’existence d’un deuxième horaire, mais au fait que tout soit écrit noir sur blanc. Selon le premier horaire, les GO travaillent de 6 à 8 heures par jour au poste qui leur a été attribué (prof de tennis, massothérapeute, réceptionniste, prof de yoga, etc.) et doivent jouer les animateurs en extra à trois reprises dans la journée, par exemple en dînant avec les GM ; ou en dansant lors de l’apéro (19h) ou lors de la soirée (22h). Partant, nous sommes déjà loin des 6 à 8 heures initialement prévues. Mais la réalité est tout autre, puisqu’un second horaire est fourni aux GO. Ledit document indique les activités complémentaires imposées à tour de rôle aux différents organisateurs : par exemple, en alternance, nettoyer les différents bars à leur fermeture, soit à 2 ou 3 h du matin ; passer leur soirée au théâtre où se jouent des spectacles ; représenter une catégorie de GO (ex. : professeurs de tennis) et danser lors d’une danse collective pour « mettre de l’ambiance » ; rendre les GM heureux en permanence ; danser autour de la piscine ; accueillir les GM à l’aéroport et leur faire une haie d’honneur.

Au final, l’emploi du temps est tel que la plupart des GO passent leur journée de repos à dormir plutôt qu’à profiter des activités offertes gratuitement. Un travail de rêve…

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