La Caisse de dépôt et de placement à l’épreuve de la financiarisation

No 66 - oct. / nov. 2016

Frédéric Hanin (dir.)

La Caisse de dépôt et de placement à l’épreuve de la financiarisation

Olivier Viger Beaudin

Frédéric Hanin (dir.), La Caisse de dépôt et de placement à l’épreuve de la financiarisation, Québec, Presses de l’Université Laval, 2016.

La Caisse de dépôt et placement du Québec (CDP) est un des plus gros investisseurs institutionnels publics au monde et est une institution incontournable au sein de l’économie du Québec. Au tournant des années 2000 sous la direction de Henri-Paul Rousseau, la CDP a modifié son mandat, passant d’une institution devant partager ses objectifs entre le développement économique du Québec et le rendement des actifs des déposants, à une institution presque uniquement axée sur le second objectif. De ce changement initialement minime, la Caisse changera profondément ses activités.

À la suite de ces changements institutionnels arriva la crise financière internationale de 2008, qui eut des conséquences profondément néfastes sur l’entièreté de l’économie mondiale. Cette tempête marque une première faute majeure dans l’histoire de la CDP : la perte de presque 40 milliards de dollars. C’est autour de cet évènement qu’évolue l’ouvrage La Caisse de dépôt et placement du Québec à l’épreuve de la financiarisation. Celui-ci tente de démontrer, par une analyse approfondie, comment l’institution n’a pas su se protéger des aléas du marché après la modification de son mandat, plus précisément en ce qui a trait à l’utilisation des produits de placement spéculatif, premier coupable de la crise des subprimes de 2008. L’ouvrage explique le changement de cap de la CDP, à la suite de cette crise, et de ses initiatives pour orienter son capital vers des marchés jugés, pour l’instant, plus sécuritaires.

Débutant l’ouvrage par une description sommaire de la finance internationale contemporaine, les auteur·e·s expriment rapidement leur réticence par rapport à ce marché fluide et virtuel, démontrant même les impacts négatifs de la finance sur l’économie réelle. Ils expliquent par la suite le concept de « financiarisation » et le définissent comme étant à la fois le «  poids croissant de la finance dans la dynamique capitaliste [...], une croissance faible et instable [...] et des inégalités croissantes », tous des problèmes incontournables de l’économie mondiale actuelle.

Suite à cela, les auteur·e·s se penchent sur les types d’investisseurs institutionnels ainsi que sur l’évolution de la Caisse de dépôt et placements, en passant par son histoire, depuis sa création en 1965 sous le gouvernement de Jean Lesage, jusqu’aux changements dans sa gouvernance et la modification de son mandat et de ses activités. Enfin, l’ouvrage s’applique à décrire les impacts de la crise économique de 2008 sur la CDP et les raisons qui ont permis à cette précieuse institution québécoise de perdre presque 25 % de ses actifs en une si courte période.

Même si l’ouvrage est décrit comme étant accessible à un large public, la première partie expliquant les structures de la finance peut s’avérer ardue à comprendre pour les lecteurs·trices n’ayant pas de connaissances de base en finance. Toutefois, les parties subséquentes deviennent beaucoup plus aisées, quittant les sphères des termes économiques et financiers volontairement nébuleux de l’économie néoclassique. Par la suite, les chapitres portant sur les politiques et l’évolution de la caisse depuis sa création sont extrêmement intéressants et nous amènent à comprendre le schisme qui se créera dans les années 2000 entre le mandat initial de la CDP et son nouveau modèle néolibéral. Enfin, l’analyse finale sur l’implication de la CDP dans l’économie du Québec et ses erreurs au courant du 21e siècle, qui l’entraîneront à la débâcle de 2008, nous amène à réfléchir sur le rôle réel de cette institution centrale du Québec et sur son avenir.

Malgré quelques répétitions d’information causée par le caractère collectif de l’ouvrage, celui-ci a su vulgariser les origines, les rôles, l’évolution, les erreurs et le futur possible de la Caisse de dépôt et placement du Québec et est un incontournable de son analyse contemporaine.

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